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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1056

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prose, la Vengeance de Tirésias ou le Mariage de Momus[1]. Heureusement la dernière semaine du carême étant venue, et la clôture des grands théâtres suspendant de fait leurs privilèges, Tirésias put être joué par la troupe vivante de Francisque, avec un autre opéra-comique de Piron, l’Antre de Trophonius.

La Place, associé à Bolet, reprit à cette foire Pierrot-Romulus ; mais l’ouvrage eut beaucoup moins de succès qu’au commencement de l’année, parce que, dit-on (et cela mérite qu’on le remarque), les auteurs avaient cessé de prêter la main à l’exécution de la pièce. La Place et Dolet eurent donc recours à des nouveautés : Carolet, le plus inépuisable fournisseur, vint à leur aide ; ils purent monter successivement, dans cette seule foire, trois pièces de cet auteur : la Course galante ou l’Ouvrage d’une minute, parodie du Galant coureur ou l’Ouvrage d’un moment de Legrand, et Tirésias aux Quinze-Vingts, précédé d’un prologue intitulé Brioché vainqueur de Tirésias. Ces deux pièces étaient destinées à faire concurrence au Tirésias de Piron. Les marionnettes de Bienfait donnèrent aussi à cette foire une bluette de Carolet, l’Entêtement des spectacles.

En 1723, Piron, sous le nom emprunté de La Maison-Neuve, fit jouer encore par les marionnettes de Francisque une pièce en trois actes et en prose mêlée de vaudevilles, Colombine Nitétis, parodie de Nitétis, tragédie de Danchet[2].

Ces deux années 1722 et 1723 ont été, comme on voit, l’époque la plus brillante, et, si l’on peut ainsi parler, la plus littéraire du théâtre des marionnettes en France. Pendant ces deux années, Lesage, Piron, Fuzelier, d’Orneval, ont lutté à l’envi, sur cette petite scène, de verve, de malice et de gaieté.

En 1724, les marionnettes de Bienfait représentèrent à la foire Saint-Germain les Eaux de Passy, un acte de Carolet, et à la foire Saint-Laurent deux pièces du même auteur : la première, l’Anti-Claperman ou le somnifère des maris, critique du Claperman de Piron[3], la seconde, Inès et Mariamne aux Champs-Élysées, qui n’était rien moins que la parodie en un acte et avec prologue de deux tragédies nouvelles et bien reçues du public, l’Inès de La Motte et la Mariamne, de Voltaire.

Un Anglais, John Riner, ayant fait bâtir, une salle pour des danseurs de corde dans le jeu de paume de la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince,

  1. Cette pièce porte pour titre dans les œuvres de Piron : le. Mariage de Momus ou la Gigantomachie, t. V, p. 1-62.
  2. Rigoley de Juvigny (Oeuvres de Piron, t. V, p. 63) donne à cette pièce la date de 1722, évidemment fautive. Il suffit de rappeler que la tragédie de Danchet ne parut sur la scène française que le 11 février 1723.
  3. Opéra-comique représenté l’année précédente au jeu de Restier, Dolet et La Place, avec le consentement des comédiens français et de l’Opéra. :