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d’un développement prospère ? J’ai fait des voeux, comme tout le monde, pour la prompte reprise des paiemens en espèces, et je ne me suis jamais dissimulé le danger de rester longtemps sur la pente du papier-monnaie ; mais il ne me paraît pas digne d’un gouvernement régulier et prévoyant de devancer, dans une impatience fébrile de se montrer riche et fort, l’heure propice pour la suppression du cours forcé, au risque d’avoir à le rétablir quelques mois plus tard.

Les observations que j’avais présentées dans la Revue paraissent avoir déterminé la Banque à s’expliquer sur la loi du 6 août. Sans chercher à lever le voile, d’ailleurs transparent, de l’anonyme sous lequel se retranche l’apologiste de cette mesure, il n’y a pas d’indiscrétion à dire que l’auteur des articles de la Patrie doit appartenir au gouvernement de la Banque, dont il met à nu les procédés et expose les doctrines. Ceux qui ont dirigé la politique de l’institution pouvaient seuls la célébrer avec cet enthousiasme. Puisque l’on me contraint à revenir sur une difficulté dont j’aurais mieux aimé abandonner la solution aux événemens, il faudra bien examiner les prétendues règles qui sont invoquées par le défenseur de la Banque de France. On fouillerait certainement dans les archives de la science économique, depuis Adam Smith jusqu’à sir Robert Peel, sans y découvrir de pareils axiomes. Je ne crains pas d’ajouter qu’ils ne trouvent aucun point d’appui dans l’expérience financière, qu’il n’y a là que des fautes érigées en principes, et une pratique un peu routinière qui cherche à s’élever après coup à la hauteur d’une théorie.

Commençons par constater que les premiers résultats de la loi du 6 août n’ont point justifié les espérances de ceux qui l’avaient provoquée. En écrivant, il y a un mois, je la supposais entourée de la faveur publique ; mais c’était là une concession purement bénévole de ma part. Les actionnaires de la Banque eux-mêmes paraissent avoir vu la reprise prématurée des paiemens avec inquiétude. Après le décret du 15 mars, qui établit le cours forcé des billets, les actions éprouvèrent une hausse de 200 francs ; elles ont baissé de 100 francs depuis l’abrogation du décret. Sans attribuer une trop grande importance à ce fait, ne semble-t-il pas que, pour donner de la confiance au public, un établissement de crédit doive d’abord en inspirer à ses actionnaires ?

Pour expliquer l’abrogation immédiate du cours forcé, on nous disait, que la circulation des billets, qui s’élevait à 510 millions, allait atteindre la limite légale, que le meilleur moyen d’en régler l’expansion était de lui rendre la liberté de ses allures, et que cette liberté, fécondant le mouvement commercial, ne pouvait manquer de remplir le portefeuille, qui n’avait pas cessé de se vider depuis février. Qu’on nous montre maintenant une seule de ces prédictions qui soit à la