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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/1111

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veille ou en voie de s’accomplir. Depuis la loi du 6 août, la circulation, au lieu de se répandre davantage, a diminué de 15 millions de francs, et n’est plus aujourd’hui que de 495 millions. Une réduction nouvelle de 2 millions se fait remarquer dans le portefeuille. En même temps, on annonce que les banquiers admettent plus difficilement à l’escompte les valeurs qui ont une échéance de trois mois, d’où il est permis de conclure que la levée des restrictions établies en mars 1848 n’a pas amené une reprise dans les affaires, et que la Banque n’a pas trouvé d’écho qui lui répondît dans cette invitation à la confiance qu’elle adressait au pays. Donner le signal trop tard annule les pouvoirs publics, donner le signal trop tôt ébranle leur autorité et les discrédite.

Aurais-je partagé moi-même cette impatience peu réfléchie de la Banque, comme l’insinue son apologiste ? Il ne me sera pas difficile de m’en défendre. Ici même, dans cette Revue, lorsque j’ai eu à juger le décret du 15 mars, avant qu’il fût question de l’abroger, je l’ai considéré comme un expédient transitoire ; mais je n’ai jamais donné de conseil de rentrer dans la liberté avant l’heure ou par la porte du. péril. Le 1er mai comme le 15 août[1], j’ai indiqué le remboursement préalable des sommes empruntées par le trésor à la Banque comme la condition nécessaire de la reprise des paiemens en espèces ; au nom des mêmes opinions, j’ai donné les mêmes conseils. Et quelle preuve plus décisive, veut-on de ma répugnance à voir déclarer les billets de la Banque de France remboursables avant que l’on ait assuré les moyens de remboursement, que la part d’initiative que j’ai prise à la loi qui a porté la limite des émissions de 452 millions à 525 ? Certes, si j’avais redouté la prolongation du cours forcé, j’aurais évité de m’associer à une mesure dont le résultat devait être d’accroître la puissance de ce régime et d’en étendre la durée.

La suspension des paiemens en espèces pour une banque de circulation peut devenir, une nécessité de circonstance, un expédient ; elle ne saurait jamais être envisagée comme un principe. J’ignore si, dans la pensée du gouvernement provisoire, le décret qui proclama le cours forcé et qui donna aux billets la valeur d’une monnaie légale devait conduire à l’établissement définitif du papier-monnaie : il s’agit pour nous d’autre chose que d’interpréter le passé. Quant au présent, aucun homme d’état, aucun administrateur, aucun économiste digne de ce nom n’a considéré le décret qui suspendait la conversibilité du papier de banque à un autre point de vue que sous l’aspect d’une mesure destinée à durer autant que l’influence de la situation qui l’avait rendue nécessaire. Le retour aux règles naturelles de la circulation était-il opportun au moment où le ministre des finances l’a proposé à

  1. Voyez, dans le no du 1er mai 1850, la Situation financière de la France, et, dans celui du 15 août, le premier article sur la Banque.