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Au reste, les banques de circulation ne sont pas toutes placées dans la même situation ni fondées sur les mêmes principes. Il y a des établissemens, comme la banque d’Angleterre, qui négligent et qui doivent négliger les opérations d’escompte pour se consacrer principalement aux services publics. Celle-ci prête à l’état, sert d’instrument à la négociation des bons de l’Échiquier, fait le service de trésorerie, paie les dividendes semestriels aux créanciers de l’état, et reçoit les dépôts de l’Échiquier, des comptables, des caisses d’épargne. Ce sont là ses attributions véritables, et de là viennent ses profits les plus clairs.

La Banque de France ; au contraire, est instituée principalement pour prêter au commerce et à l’industrie. Son rôle ne se borne pas à donner le taux de l’escompte ; elle est le plus grand escompteur du pays et sert de point d’appui, par elle-même ou par ses comptoirs, à la négociation des effets de commerce ; les recouvremens, les viremens de fonds et les transports d’espèces s’opèrent exclusivement par ses mains : d’où il suit, que, dans les temps de calme, si elle ajoutait le service de la dette flottante à l’escompte des valeurs commerciales, ou il faudrait qu’elle détournât une partie des ressources qui fécondent le travail, ou bien elle compromettrait la solidité de sa constitution et la confiance dont elle jouit auprès du public, en étendant témérairement son action jusqu’à la région des aventures.

On m’accorde qu’aucun établissement de crédit ne peut faire à la fois le service de la dette flottante et de l’escompte ; mais on me demande si j’entends interdire désormais à la Banque, d’une manière absolue, de prêter au trésor. Ceux qui m’adressent la question sont probablement les mêmes qui ont résisté après février, tant que la résistance a été possible, aux exigences incessantes et absorbantes du trésor. Je leur ferai la réponse qu’ils ont faite sans doute eux-mêmes aux divers ministres des finances. Je comprends que la Banque vienne au secours du trésor dans les momens où sa clientelle commerciale la délaisse ; encore faut-il qu’elle ne prête son appui que sous la réserve de ne pas affaiblir son crédit, dont l’intégrité et la puissance importent à l’état autant qu’à elle-même. Cette règle fondamentale est-elle observée aujourd’hui ? L’état ne confisque-t-il pas en quelque sorte la puissance de la Banque à son profit, lorsqu’il lui emprunte, même quand le portefeuille ne renfermerait plus un seul effet de commerce, en face d’une circulation qui a pris des proportions inouies, une somme qui excède trois ou quatre fois le capital disponible ?

On dira peut-être que les vides qui se font remarquer dans le portefeuille de la Banque l’autorisent à tourner l’emploi de ses capitaux du côté de l’état. L’explication serait plausible, si la matière manquait absolument à l’escompte ; mais, quand on envisage froidement les faits, on reconnaît que c’est la Banque qui repousse le commerce et non le commerce qui s’éloigne de ses guichets. Le conseil de la Banque