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diplomatique réuni à Francfort au commencement du mois de septembre sous la présidence de l’Autriche vise à recommencer ou plutôt à continuer la vieille diète fédérale, dont il a repris purement et simplement toutes les formes. Constitué d’abord pendant trois mois en assemblée plénière ou plenum, selon le langage des chancelleries de 1815, il, s’est resserré tout d’un coup et réduit aux anciens dix-sept ; qui étaient l’organe le plus ordinaire, l’instrument le plus actif, en un mot le petit conseil o u conseil restreint de la fédération. Il y a des personnes qui s’imaginent que ce cénacle, ainsi renouvelé, possède en soi beaucoup plus de force que le conciliabule d’invention récente et quasi-révolutionnaire qui lui est opposé par la Prusse sous le nom respectable de collége des princes. Ce nom-là, sans doute, promet plus qu’il ne tient ; mais il s’en faut aussi que la jeune diète de Francfort puisse tenir tout ce qu’elle promet. L’Autriche, qui ne cache pas trop qu’elle s’en sert, ne saurait pourtant se dissimuler qu’elle ne s’en peut servir que jusqu’à certain point. De même qu’il n’est demeuré avec la Prusse dans l’union d’Erfurt que ceux qui n’étaient pas en état de la quitter, il est clair que ceux-là surtout sont venus avec l’Autriche dans la diète de Francfort, qui ne voulaient pas se laisser accaparer par la Prusse. La raison qui les attire vers la politique autrichienne est plutôt négative que positive ; ce n’est pas une affection particulière pour l’Autriche, c’est une appréhension très particulière des Prussiens : d’où il suit que la diète de Francfort est quelque chose de très solide tant qu’il ne s’agit que de contrecarrer l’union d’Erfurt, mais qu’elle aurait aussi beaucoup moins de consistance du moment où il s’agirait de décréter quelque mesure qui, plaisant par exemple à l’Autriche, ne plairait plus autant à la Bavière ou au Würtemberg, au Hanovre ou à la Saxe.

Ainsi l’Allemagne se trouve maintenant avoir deux unités au lieu d’une qu’elle rêvait, deux centres de direction, quand elle s’était persuadée que toute direction allait partir pour elle d’un seul foyer national. Et ce qu’il y a de plus caractéristique dans l’enchevêtrement général de la situation, c’est qu’aucun des deux centres ne peut en fait, absorber l’autre. L’église de Francfort a bien le droit d’excommunier l’église d’Erfurt, qui le lui rend de tout son cœur ; elle n’est point à même de la supprimer. Il n’est pas, d’autre part, impossible qu’à la cour de Potsdam on n’ait eu plus d’une fois déjà des velléités d’en finir avec un schisme dont le plus clair résultat est de prolonger les souvenirs désagréables de 1848 ; mais baisser pavillon devant la cour de Vienne, c’est abdiquer vis-à-vis de l’Europe et vis-à-vis du siècle, le rôle providentiel de la monarchie de Frédéric, après avoir passé dix années de règne à le réclamer en l’amplifiant. Il y va de l’honneur de la Prusse de ne point donner sa démission, et l’Autriche n’est pas en mesure de l’exiger, deux bons motifs par conséquent pour que celle-ci la demande toujours et que celle-là toujours la refuse. Le statu quo dure ainsi de lui-même, parce qu’il n’y a pas de raison qu’il cesse. Rien n’empêche les plénipotentiaires de Francfort ou ceux d’Erfurt, règlementant et légiférant chacun de leur côté, de poser en principe que leurs règlemens et leurs lois obligeront l’Allemagne entière : l’embarras est de les rendre obligatoires d’un camp dans l’autre. De la sorte, ils ont chance de rester long-temps face à face sans gagner beaucoup d’aucun bord, sans avoir sérieusement sujet de diminuer les uns ou les autres la distance qu’il y a de la parole aux actions.