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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/140

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païenne ou chrétienne, a produit de grands monumens, tels que le Parthénon d’Athènes, le Panthéon de Rome et la cathédrale de Strasbourg ; mais à côté de ces temples grecs, romains ou gothiques, il y a eu d’autres édifices également admirables et inspirés par des idées profanes : ainsi le Colisée à Rome ou notre Louvre. Si l’on remonte d’ailleurs à l’antiquité la plus reculée, les découvertes faites récemment sur le sol de Ninive prouvent d’une manière authentique et irréfragable que les murs couverts de bas-reliefs qui distribuent en plusieurs salles le plan de ces ruines appartenaient à un immense palais.

Pour moi et pour quelques voyageurs sans prévention, sans parti pris, les ruines qui s’élèvent au-dessus de la plaine de Merdâcht, aux lieux où fut la capitale des rois de race achéménide, sont les derniers vestiges qui nous restent d’un magnifique palais ; mais l’assertion de quelques écrivains qui ne veulent y voir que les débris d’anciens temples du feu n’est pas entièrement incompatible avec mon opinion. Je crois, au contraire, que l’on peut parfaitement concilier ces deux manières de voir. On sait en effet que, dans l’ancien Orient, au temps des mages et du cube du feu, le haut sacerdoce était dévolu aux rois, qui, non contens du pouvoir le plus absolu, cherchaient à entourer leur souveraineté d’une espèce de prestige divin. Dans ces temps d’idolâtrie et de fétichisme monarchique, les rois de Perse exerçaient une puissance qui était quelque chose de plus que le pouvoir spirituel et temporel de nos papes : c’était une autocratie à la fois militaire et religieuse. Tout en considérant l’ensemble des ruines de Tâkht-i-Djemchid comme celles d’un ou de plusieurs palais, on ne saurait donc se refuser à admettre qu’au milieu de cette demeure du monarque, il s’élevait un sanctuaire consacré au culte du feu. Les sujets des bas-reliefs du perron de Tâkht-i-Djemchid s’expliquent dès-lors, et ne peuvent plus être regardés comme les indices de la destination exclusivement religieuse qu’on voudrait attribuer aux édifices réunis sur le plateau de Persépolis. Il suffit pour comprendre ces bas-reliefs, si diversement interprétés, de chercher dans les mœurs actuelles de la Perse une analogie que son passé ne repousse pas : c’est ce que j’ai fait, et ce rapprochement m’a conduit à voir dans les sculptures du perron de Persépolis la représentation d’une grande cérémonie dans laquelle la nation entière, par l’organe de ses délégués, voient rendre hommage au roi des rois. Cette cérémonie correspondait probablement à la fête du Norouz, qu’on célèbre encore aujourd’hui.

En 1841, pendant mon séjour à Téhéran, j’ai assisté à cet anniversaire, qui est l’une des plus grandes solennités annuelles des Persans. Quand revient le jour de Norouz, qui correspond à l’équinoxe du printemps, le châh fait à ses courtisans et aux principaux khans de son royaume des cadeaux de diverses natures. De leur côté, ces person-