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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/223

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fût fermée en France, elle s’est rouverte tout à coup par une catastrophe imprévue.

Ceux qui croient aisément ce qu’ils désirent peuvent dire, il est vrai que la révolution de février n’est qu’un accident, et que le cours des analogies historiques n’a été un moment interrompu que pour recommencer ensuite. Je voudrais partager cette espérance, malheureusement je ne le puis. Il y a sans doute des accidens dans l’histoire, et je ne suis pas de ceux qui pensent que la forme des événemens soit fatale et nécessaire ; mais la révolution de février n’a pas, à mes yeux du moins, le caractère d’un de ces hasards : je ne dis pas et je ne crois pas qu’elle ait été absolument inévitable, je veux dire seulement que les causes qui l’ont produite sont assez puissantes, assez fondamentales, pour qu’elle ne soit pas quelque chose de fortuit. Quand même l’ordre légal et constitutionnel l’eût emporté ce jour-là sur l’émeute, les élémens qui ont rendu si facile une révolution si radicale n’en auraient pas moins subsisté, et auraient tôt ou tard porté leurs fruits. Je dis plus : quand même quelques-unes des conséquences de cette révolution disparaîtraient aujourd’hui de la scène, le principe survivrait, quoi qu’on fît, et c’est ce principe révolutionnaire, toujours vivant au milieu de nous, qui fait la différence essentielle entre l’Angleterre de 1700 et la France de 1850.

Au premier rang de ceux qui ont essayé d’arrêter la France sur ce formidable penchant qui la précipite toujours vers de nouvelles expériences, se trouve, sans contredit, M. Guizot. Si ce pays, aujourd’hui si tourmenté, si appauvri, si abaissé, n’a pas vu croître sans interruption sa liberté, sa prospérité et sa grandeur, comme l’Angleterre après 1688, à l’abri d’institutions à la fois durables et progressives ; si ce mélange d’autorité et d’indépendance, de tradition et de mobilité, de discussion sans limites et de respect pour la loi, qui donne à la constitution britannique tant d’ampleur et de puissance, n’a pas pu s’implanter de ce côté de la Manche comme de l’autre côté, ce n’est pas à coup sûr, la faute de M. Guizot. De 1815 à 1830, nul n’a plus contribué que lui à l’établissement d’une monarchie représentative, imitée autant que possible de la monarchie anglaise. Quand les ordonnances de juillet ont amené une nouvelle explosion de cette lave qui fermente sans cesse au fond de notre société, nul n’a plus travaillé à renfermer dans de justes bornes un mouvement qu’il n’avait ni provoqué, ni désiré, qu’il avait même essayé de contenir à son début ; nul n’a plus fait pour réduire ce débordement populaire à une simple substitution d’héritier, comme du temps de Guillaume III, et pour en faire le point de départ d’un gouvernement régulier.

Quand M. Guizot a vu s’écrouler en une heure le fruit du travail de plus de trente ans, il était impossible qu’une intelligence comme la