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hostile : il y a bien paru au peu de racines qu’elle avait jetées après dix-sept ans d’une existence toujours heureuse et glorieuse souvent.

Il y avait une différence essentielle entre notre monarchie et celle de nos voisins, quelque soin qu’on eût pris pour les rendre semblables. La monarchie anglaise, sans être exclusivement aristocratique, a du moins pour une de ses bases une aristocratie reconnue par le pays. En France, la révolution avait effacé tout vestige d’aristocratie. Ce que nous avons poursuivi pendant trente ans, ce qui nous a échappé par deux fois, c’est la conciliation de la monarchie et de la démocratie. La tentative était nouvelle dans le monde ; elle valait la peine d’être faite, mais il n’est pas étonnant qu’elle ait échoué. Chacun des deux élémens a successivement protesté contre l’accord ; en 1830, c’est la monarchie qui a engagé la lutte ; en 1848, c’est la démocratie. Dans les deux cas, la monarchie a succombé comme la plus faible ; soit que la démocratie se soit défendue, soit qu’elle ait attaqué, elle a toujours vaincu. C’est qu’en effet il n’y a qu’elle de réel et de vivant parmi nous ; rien ne peut exister qu’avec elle et par elle. Tant qu’elle consent à accepter des contre-poids, à subir des formes qui l’éclairent et la guident, un gouvernement tempéré est possible ; mais dès qu’elle se soulève pour un motif injuste ou légitime, pour un grief réel ou pour une simple fantaisie, rien ne peut lui résister. Le fonds du gouvernement anglais est aussi une démocratie, mais moins absolue et moins exclusive que la nôtre ; de tout temps, elle a admis et même appelé des tempéramens et des obstacles, et ces obstacles qu’elle respecte sont anciens et traditionnels, ils ont pour eux en même temps que l’adhésion publique la consécration du temps.

À ces causes générales, indiquées par M. Guizot, on peut en ajouter quelques autres dont il n’a rien dit, parce qu’il avait pour but de susciter et non de faire lui-même la comparaison entre les deux révolutions, et qui ont bien aussi leur valeur. Je veux parler de la situation topographique des deux pays et du caractère national des deux peuples. Certes, il est impossible de nier que la position insulaire de l’Angleterre n’ait eu une grande influence sur son histoire tout entière et sur celle de sa révolution en particulier. La nation anglaise est parfaitement maîtresse chez elle, elle peut faire ce qu’il lui plaît, s’avancer ou s’arrêter quand bon lui semble dans ses transformations politiques, sans que ses voisins aient les moyens d’intervenir dans ses affaires. Louis XIV lui-même, au plus fort de sa puissance, a été contraint de souffrir le voisinage de la république anglaise et de traiter avec elle ; il lui a fait une guerre d’intrigue et de corruption, mais il ne l’a pas combattue directement par les armes. La France est dans une situation toute différente, et les conséquences de cette situation ont été immenses pour elle ; dès que la révolution a commencé, l’intervention de l’étranger a été possible et même probable : c’est la crainte