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il s’appliqua toujours à se l’approprier, l’histoire dira avec quel succès. Napoléon était donc personnellement une protestation éclatante contre la centralisation excessive qui fut son ouvrage.

Que n’y aurait-il pas à dire sur la question des impôts dans ses rapports avec celle de la misère ? Je ne veux entrer ici dans aucun détail ; mais qui ne reconnaît l’utilité de modérer les impôts ? L’impôt dans une certaine mesure est indispensable, car la société ne peut se passer d’un gouvernement, d’une administration, de tribunaux, d’une force armée, sans parler des travaux publics, de l’instruction publique, des cultes, qui, dans tous les états de l’Europe continentale, sont rétribués par l’état. Il faut donc au fisc sa part. Une fois déterminée la grandeur de son lot, il y a beaucoup de manières de le lui faire. Le fisc peut être intelligent ou aveugle ; selon qu’il est plein de ménagemens envers le travail ou qu’il le froisse brutalement, il porte peu ou beaucoup de préjudice à la richesse et au bien-être de la nation, sans obtenir dans le second cas un centime de plus que dans le premier. Le fisc doit restreindre autant que possible les frais de perception et le nombre des agens qu’il emploie. Le fisc doit éviter de prendre sur le capital qui est déjà formé, et ne demander rien que sur les profits. Il doit gêner aussi peu que possible la formation du capital nouveau ; de là des combinaisons variables selon les habitudes des différentes classes de la société, selon le penchant plus ou moins prononcé pour l’épargne qui caractérise en moyenne les individus de chacune d’elles. Après les expériences répétées qui ont été faites, il n’est plus permis au fisc de croire qu’en ses affaires propres 2 et 2 fassent nécessairement 4, et qu’en conséquence le moyen de faire rendre le plus à la matière imposable soit de la grever lourdement. Le fisc est sujet à supposer que le contribuable est fait pour lui et non lui pour la chose publique, intérêt commun de tous les contribuables. Au lieu de se prêter à ce qu’exigent les méthodes perfectionnées de travail, il prétendrait volontiers que l’industrie subordonnât le choix de ses procédés à ses convenances à lui, et alors il ne se contente pas d’appauvrir la nation de ce qu’il prend : il l’appauvrit encore de la différence entre le résultat d’une bonne méthode de travail et celui d’une mauvaise[1]. C’est ce qui désormais ne saurait être toléré. Un des axiomes les plus évidens de la science politique est celui-ci : ce qui fait la prospérité des états, ce qui accélère l’amélioration du sort des masses populaires, c’est le travail abondant et la vie à bon marché. Donc, tout gouvernement doit se proposer d’affranchir complètement de droits les principales denrées

  1. M. Babbage cite dans son Économie des Manufactures quelques exemples propres à l’Angleterre de cette outrecuidance du fisc. La plupart de ces abus ont été réformés de l’autre côté du détroit il y a peu de temps.