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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/424

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REVUE DES DEUX MONDES.

n’ont qu’à demander pour obtenir tout ce qu’ils désirent. Ils sont ainsi plus à l’aise que qui que ce soit, et puis le vœu ne les enchaîne pas irrévocablement. Quand le métier devient mauvais ou qu’ils trouvent l’occasion d’en prendre un meilleur, ils jettent leur bonnet, leur bâton de fakir, et savent également bien jouer le rôle de mirza ou de khân, pour peu que la fortune les favorise. Il s’en trouve cependant quelques-uns qui, véritablement religieux et fanatiques, vivent dans la plus abstraite dévotion, dans un cercle d’idées mystiques qui les sépare du monde : ceux-là passent des jours entiers dans le jeûne et la prière, plongés dans une extase stupide, qui fait l’admiration des musulmans.

Le derviche qui venait me surprendre au milieu de mes pierres et de mes papiers n’était sans doute pas un de ces austères personnages, car il daignait parler et demander l’aumône à un chrétien, et il s’exprimait avec une urbanité que n’aurait pas permise un fanatisme exalté. Puisqu’il ne me dédaignait pas, moi, chrétien, je ne voulus pas être en reste d’égards avec lui. Je lui accordai donc ce qu’il me demanda. Aussi, dans l’élan de sa reconnaissance, le derviche baisa-t-il le pan de mon habit, et il fallut, bon gré mal gré, que j’acceptasse son miel.

II.

À quelques pas du palais que je viens de décrire, on aperçoit à la surface du sol des assises de colonnes. Au-dessous du plan de ces assises sont les débris d’un mur sur lequel se retrouve le groupe du lion et du taureau, avec des gardes armés de lances. À la suite du mur est un fragment de bas-relief représentant huit figures couvertes de peaux de lion et portant des dents d’éléphant.

En examinant ces sculptures incomplètes et sans liaison entre elles, on est porté à penser que l’édifice élevé à cette place est d’une époque qui est postérieure aux ornemens qu’on y a rattachés, et que ces débris rapportés ont été empruntés à quelque monument plus ancien. Mais dans quel embarras cette observation ne jette-t-elle pas l’archéologue ! La ruine dernière et complète du palais de Persépolis datant de l’invasion des Grecs, y aurait-il donc eu une dévastation précédente ? et quelle en serait la cause ? L’histoire n’en a conservé aucune trace. Les princes qui recueillirent l’héritage de Cyrus paraissent être restés, jusqu’à la conquête d’Alexandre, les glorieux possesseurs du trône de Perse. Faudrait-il en induire que les généraux du conquérant macédonien à qui l’héritage de Darius tomba en partage, jaloux de s’asseoir aux lieux où fut le trône du monarque qu’ils avaient vaincu, voulurent s’y élever un palais en rassemblant les débris en-