Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LES MARIONNETTES EN ITALIE.


I. – RENAISSANCE ET PERFECTIONNEMENT DES MARIONNETTES.

Depuis le XIIe siècle, où il est démontré, par la miniature du manuscrit de Strasbourg, que les marionnettes étaient connues, même parmi les classes élevées, je ne sais s’il est survenu dans leur existence une solution de continuité, et si ce divertissement n’est pas tombé dans l’oubli pour ne reparaître qu’à la fin du XVe siècle en Italie. Ce qui est certain, c’est que je ne trouve aucune mention des comédiens de bois depuis la peinture emblématique qui orne le livre de Herrade de Landsberg jusqu’aux écrits de Jérôme Cardan. De plus, presque tous les savans du XVIe siècle s’expriment au sujet des marionnettes en termes si remplis de surprise et d’admiration, qu’on est tenté de croire qu’il y a eu pour elles au XVIe siècle, ainsi que pour tant d’autres choses, une sorte de renaissance. Dans tous les cas, on ne saurait douter que les marionnettes n’aient, à cette époque, reçu de plusieurs grands mécaniciens d’Italie de très notables perfectionnemens.

Un savant aussi bizarre que célèbre, Cardan, médecin et mathématicien né à Pavie en 1501, est, je crois, le premier écrivain moderne qui ait mentionné les marionnettes avec quelques détails. Il s’est occupé deux fois de ce sujet, d’abord dans le traité de Subtilitate, publié à Nuremberg en 1550, puis dans une sorte de recueil encyclopédique intitulé de Varietate rerum. Au livre XIII de ce dernier ouvrage, l’auteur, traitant des plus humbles produits de la mécanique (de artificiis humilioribus), cite, parmi les experimenta minima qui sont l’objet du chapitre 63, une espèce fort singulière de marionnettes qu’il décrit avec minutie, mais malheureusement avec l’obscurité qui lui est habituelle. Ce procédé, qu’il expose sans pouvoir l’expliquer, ressemble beaucoup à celui dont le manuscrit de Herrade de Landsberg nous a transmis la figure. Voici, d’ailleurs, les propres paroles de Cardan que j’ai traduites aussi fidèlement qu’il m’a été possible :

« J’ai vu, dit-il, deux Siciliens qui opéraient de véritables merveilles au moyen de deux statuettes de bois qui jouaient entre elles. Un fil unique les traversait de part en part ; elles étaient attachées d’un côté à une statue de bois qui[1] demeurait fixe, et de l’autre à la jambe que le joueur faisait mouvoir. Ce fil était tendu des deux côtés. Il n’y a sorte de danses que ces statuettes ne fussent capables d’imiter, faisant les gestes les plus surprenans des pieds, des jambes, des bras, de la tête, le tout avec des poses si variées, que je ne puis, je le confesse, me rendre compte d’un aussi ingénieux mécanisme, car il n’y avait pas plusieurs fils, tantôt tendus et tantôt détendus ; il n’y en avait qu’un

  1. Je lis ici quæ, au lieu de que.