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chante aujourd’hui sa vieille chanson, toujours nouvelle. Un jeune amateur de mélodies nationales, M. Ed. Leblant, l’a entendue en 1848. Il a noté l’air sur place, et a bien voulu me le communiquer. C’est une mélodie très gaie, dont les trois premières mesures me semblent rappeler un peu (si parva licet, et si ce n’est point de ma part une illusion) la première phrase de la barcarolle qui a donné son nom à un des opéras de M. Auber.

Les burattini du palais Fiano jouent, comme les fantoccini de Milan, des mélodrames et de grandes pièces fantastiques entremêlés de charmans ballets, tels que le Puits enchanté, tiré des Mille et une Nuits. Les magiciens et les fées, les géans et les nains, le diable lui-même et ses suppôts sont les acteurs ordinaires de ces pièces à grand fracas.

Quant à la perfection des entrechats et des ronds de jambe de mesdames les marionnettes de Rome, je ne citerai qu’un fait, qui me dispensera de tout autre éloge. Les pudiques scrupules de l’autorité ont astreint ces innocentes sylphides à porter des caleçons bleu de ciel, tant on a craint les dangers de l’illusion !

Cette illusion, en effet, est si complète au palais Fiano, qu’elle a suggéré à un habile critique, M. Peisse, d’excellentes réflexions sur la réalité en peinture et les lois de l’illusion matérielle, tant recherchée des artistes qui peignent des Dioramas : « J’ai eu, dit-il, l’occasion de me convaincre de cette facilité d’illusion au spectacle des burattini à Rome. Les burattini sont de petits mannequins dirigés par un homme placé dans les frises de la scène, qui est absolument disposée comme celle de nos théâtres… Au lever du rideau, et pendant quelques minutes, ces petits bons hommes conservent leur véritable dimension ; mais ils ne tardent pas à s’agrandir pour l’œil, et, au bout de peu de temps, ils font l’effet d’hommes véritables. L’espace où ils se meuvent, les meubles et tous les objets qui les entourent étant dans une rigoureuse proportion avec leur stature, l’illusion s’établit et se maintient, tant que l’œil n’a pas de point de comparaison ; mais si, comme il arrive de temps en temps, la main du machiniste débordant les frises qui la cachent apparaît au milieu de ce petit monde, cette main semble une main de géant !… S’il arrivait qu’un homme se mêlât subitement aux marionnettes, cet homme paraîtrait un Gargantua[1]. »

L’ingénieuse supposition de M. Peisse s’est réalisée. M. Beyle raconte qu’après la représentation de Cassandrino élève en peinture, un enfant s’étant avancé sur le théâtre pour arranger les lampes, deux ou trois étrangers firent un cri ; cet enfant leur avait produit l’effet d’un géant.

  1. Feuilleton du journal le Temps, n° du 2 septembre 1835.