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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/519

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nationale. En vain le pronunciamiento organisé à Almeida par M. da Bomfim vint-il bientôt apprendre aux conservateurs de le coalition qu’ils ne travaillaient en réalité que pour le septembrisme ; une pareille solidarité ne les effraya pas. L’insurrection armée était à peine réduite, que l’ancien chef du chartisme, M. le duc de Palmella, organisait au conseil d’état, dont il était le président, une véritable insurrection morale. Les plus utiles réformes en furent le prétexte. À la faveur des précédens désordres s’étaient faufilés dans la magistrature quelques hommes qui mettaient ouvertement l’autorité de la loi au service de l’esprit de sédition. Un décret limita le privilège de l’inamovibilité aux magistrats qui auraient au moins trois ans d’exercice. L’armée était arrivée à ce point de désorganisation morale qu’un officier subalterne pouvait discuter les ordres de ses supérieurs et les déférer à un conseil dont les décisions penchaient rarement du côté de la discipline. Les universités, à l’abri de franchises trop absolues, étaient devenues, d’autre part, le foyer de dangers non moins sérieux cédant à la tentation de se faire un parti parmi la jeunesse des écoles, qui, en Portugal comme ailleurs, est acquise à toutes les incitations révolutionnaires, quelques professeurs avaient transformé leur chaire en tribune de club. Deux autres décrets étendirent donc l’action gouvernementale jusqu’aux professeurs et aux officiers. L’emprunt était enfin, depuis longues années, la seule ressource normale du trésor M. da Costa Cabral crut qu’il était temps de réagir contre ce non-sens ruineux, et quelques aggravations durent être introduites dans le système fiscal. Le corps social tout entier se gangrenait : quoi d’étonnant que le scalpel touchât un peu partout ? Mais tant de prétentions froissées, tant de préjugés bravés ne pouvaient manquer de soulever contre le courageux réformateur de violens orages, et l’on comprend quelle force inattendue apporta à ce déchaînement de rancunes le patronage officiel d’une assemblée que la constitution portugaise assimile presque aux corps législatifs, le concours avoué ou la neutralité perfide d’hommes que leurs titres passés, leur position présente, leur intérêt à venir, classaient dans le milieu conservateur. Il arriva un jour où la majorité, disciplinée à peine de la veille, perdit de vue son drapeau dans cette confuse mêlée de tous les drapeaux. C’est ce moment d’hésitation que la coalition guettait : la révolution de mai 1846 jeta les Cabral dans l’exil. La confiance et l’esprit d’entreprise s’évanouirent, le crédit renaissant disparut, et l’anarchie devint l’état normal de Lisbonne et des provinces.

Le duc de Palmella prit la direction des affaires. Il y gagna l’habituel enseignement de tout chef de coalition parvenu au pouvoir : c’est de sentir ce pouvoir crouler sous lui par l’effet des secousses qu’il lui avait imprimées dans l’opposition. L’illustre diplomate avait trop décrié