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la politique énergique et persévérante de son rival pour ne pas être entraîné vers la politique de concessions, et l’on sait à quoi aboutissent les concessions quand c’est la révolution qui exige. Après cinq mois de gouvernement, ou plutôt de dégouvernement selon l’expression caractéristique des Portugais, il reconnut son impuissance à combler l’abîme d’exigences qu’il avait lui-même ouvert. C’est à ce moment que la réaction du 6 octobre 1846, aussi inévitable que mal dirigée, vint allumer en Portugal une guerre civile désastreuse qui acheva de gaspiller les ressources de cette malheureuse nation.

Le maréchal duc de Saldanha, qui s’était mis à la tête de la situation, remporta à Torres-Vedras, sur les rebelles commandés par M. da Bomfim, une victoire décisive, dont il perdit tout à coup le fruit par sa subite inaction, inaction mystérieuse à laquelle on a assigné bien des causes. Le vieux maréchal de Biron, à qui son fils demandait un jour des troupes pour un coup de main qui pouvait en finir avec l’armée du duc de Parme, lui répondit en jurant : « Quoi donc, maraud ! nous veux-tu envoyer planter des choux à Biron ? » Le vieux maréchal portugais n’avait pas sans doute envie d’aller planter des choux à Saldanha. De temporisations en temporisations, la position devint telle que, pour en finir avec les septembristes, auxquels s’étaient réunis les débris du miguélisme, on dut recourir à I’intervention armée des trois grandes puissances, et finalement à une ample amnistie garantie par un protocole peu honorable pour la couronne de Portugal.

La guerre terminée, les Cabral revinrent de l’exil. Le comte de Thomar, à son arrivée à Lisbonne, reçut une sorte d’ovation civique en dépit des fureurs des révolutionnaires coalisés et de l’opposition déclarée de l’administration du protocole. Il s’occupa immédiatement de réorganiser pour la lutte électorale le parti chartiste, qui, dans le va-et-vient des dernières crises, avait perdu toute direction. Cette lutte fut acharnée, mais la liste du comte de Thomar l’emporta dans tous les collèges, et à ce point que pas un seul des ministres, ses rivaux, ne put obtenir assez de voix même pour être électeur d’arrondissement. Après un triomphe aussi significatif dans l’opinion, on devait s’attendre à voir le conte de Thomar rentrer au pouvoir. Il n’en fut rien. Le modeste vainqueur, sourd aux sommations de ses nombreux amis, céda sa victoire électorale au duc de Saldanha, lequel pourtant lui avait fait, dès sa rentrée, une opposition perfide, et ne s’était jets dans ses bras que la veille même de l’élection, en reconnaissant enfin son impopularité. Non content d’élever le duc de Saldanha sur son propre pavois, le comte de Thomar le fit successivement choisir par ses amis pour présider le grand collège électoral de Lisbonne, et, par la couronne, pour former le nouveau ministère destiné à fonctionner avec le parlement renouvelé.