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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/551

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II. — LES FAITS ET LES HOMMES DE LA REVOLUTION DE FEVRIER.

Si la révolution de février est immorale et athée, que sont donc ses fauteurs et ses représentans ? Sont-ils également immoraux et athées ! — Eh bien ! en vérité, à l’exception de quelques-uns, ils ne sont même pas cela. — M. Proudhon est franchement athée, M. Louis Blanc est franchement opposé aux tendances de la société moderne ; ce sont les deux seuls hommes qui représentent nettement la révolution de février, les seuls en qui vivent les idées des masses, les seuls échos de leur voix ; car, il ne faut pas s’y tromper, tout le monde a été non-seulement surpris par la révolution de février, mais abusé par elle, et ce qui nous a sauvés, c’est qu’elle a été faite assez à l’improviste pour ne pas trouver immédiatement ses propres représentans.

Aujourd’hui, la situation est bien différente ; cette révolution nous apparaît dégagée de toutes les vieilles entraves radicales, constitutionnelles et parlementaires ; tous les costumes menteurs qu’elle avait revêtus, depuis la carmagnole usée du vieux jacobin jusqu’à l’habit du bourgeois voltairien et tolérant, sont allés rejoindre les oripeaux flétris de notre garde-robe révolutionnaire. Le même oubli pèse sur M. Marrast le voltairien et sur le catholique M. Buchez ; les radicaux parlementaires, tels que MM. Marie et Lamartine, n’occupent pas plus de place sur la scène politique que les débris du radicalisme libéral représenté par M. Garnier-Pages. Maintenant, la révolution de février se présente en face de nous toute nue et sans voile. Nous savons mieux à quoi nous en tenir sur ses tendances depuis que le cours des événemens nous a débarrassés de tout le détritus amoncelé par soixante ans de révolutions politiques. Maintenant, le temps des transactions sacrilèges est passé. Si jamais cette révolution recommence son cours, nous n’aurons plus, pour venir à notre aide, ces singuliers sauveurs, semblables aux nageurs qui, arrachant leur proie aux ondes, frappent et assomment le malheureux noyé, afin de le sauver plus aisément et de se sauver plus aisément eux-mêmes. Nous n’aurons plus de 45 centimes pour nous sauver de l’expropriation socialiste, plus de ces affreux remèdes politiques destinés à nous faire avaler la révolution. La démocratie parlementaire élevée au sein des assemblées constitutionnelles est définitivement morte. Les intrigans, les ambitieux, les parleurs, qui ont une première fois su prendre la place des audacieux et des meurtriers, n’ont plus aucun rôle à jouer ; mais les terroristes, mais les spoliateurs sont toujours là, passant la revue de leurs troupes ; accrues de tous les soldats de l’armée radicale, désormais sans chef.

C’est donc, — on peut le dire, — cette imbécillité politique que nous avons signalée qui nous a préservés de la spoliation sociale. Triste révolution