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que celle où le bien est si impuissant, qu’il n’y a que le mal qui puisse nous délivrer du mal ! La majorité des membres du gouvernement provisoire ne représente pas autre chose que cette mauvaise politique et cette tradition parlementaire, faussée et mal comprise. Très heureusement pour nous tous, la révolution de février est venue se faire sacrer dans une enceinte qui n’était pas faite pour la recevoir ; elle est venue au sein du pouvoir parlementaire recevoir son baptême. C’est là le premier coup qu’elle s’est porté sans le savoir et dès la première heure. Elle s’est suicidée avant d’avoir pu affirmer et proclamer hautement sa signification. Si, au lieu d’aller au Palais-Bourbon chercher ses représentans, cette révolution était restée dans la rue, son théâtre et sa demeure naturels, qui sait ce qui serait advenu ? Si, — au lieu d’aller choisir dans une assemblée parlementaire les hommes qu’elle destinait à rédiger ses ordres du jour, ces hommes qui furent pour elle de véritables amendemens en chair et en os, — elle eût pris dans la foule un communiste, un journaliste, le premier venu enfin, tout était bouleversé, car les mandataires et les élus se confondaient dans une même origine. Au contraire, en allant chercher un gouvernement à la chambre des députés, la révolution, dans la première chaleur du combat, fit un acte dont les conséquences devaient amener la situation actuelle du pays.

À un certain point de vue, il a été très heureux que la révolution de février ait eu besoin pour triompher du secours de la bourgeoisie autre accident, autre mésaventure qui n’a pas peu contribué à amoindrir cette révolution et à la tenir en échec. Depuis long-temps, en effet, nous apprennent toutes les histoires écrites dans ces derniers mois, les radicaux avaient renoncé à s’emparer du gouvernement de vive force et en conquérans ; ils ne pouvaient s’en emparer que par surprise, et, pour ainsi dire, grace à la politesse du gouvernement et des classes gouvernantes. Un beau jour, la bourgeoisie leur ouvre la porte et les prie d’entrer : ils entrent ; mais, déconcertés par cette trop grande obligeance, ils ne peuvent aussitôt tourner les armes contre cette bourgeoisie qui s’est faite leur complice. Et pourtant, si cette révolution n’est pas faite contre la bourgeoisie, cette révolution n’a plus de sens. Alors nos révolutionnaires cherchent à ressaisir le pouvoir qui leur échappe et à bouleverser au moyen d’une émeute le gouvernement issu d’une révolution, gouvernement trop parlementaire encore à leur gré. De ce conflit entre la révolution d’une part, la bourgeoisie et le gouvernement semi-parlementaire de l’autre, sont nés le 17 mars, le 16 avril, le 15 mai et enfin le 23 juin. Nous n’avons pas à apprécier les faits postérieurs à cette date. Entre ces deux époques, le 24 février et le 23 juin 1848, se place tout entier le drame de la révolution. Les événemens survenus depuis n’ont pas trouvé encore