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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/579

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gouvernement parlementaire et représentatif fondé sur l’union des intérêts et destiné à discuter les affaires du pays au lieu de discuter des principes et des opinions, une réunion d’hommes pratiques au lieu d’une académie d’orateur. Voilà les propositions de l’Autriche à la diète de Francfort, et nous ne doutons pas que ce libéralisme nouveau, qui ne procède ni des universités, ni des événemens de 1848, et qui s’adresse aux intérêts matériels, ne soit de nature à plaire à l’Allemagne. C’est une nouveauté qui n’a pas l’air d’une utopie politique grande chance de succès dans un pays dégoûté des idées et affamé d’affaires.

Et comme si l’Autriche ne voulait même pas négliger la popularité patriotique, elle traite aussi dans sa gazette la question de la liberté du Danube, c’est-à-dire de la grande artère commerciale de l’Allemagne méridionale. Elle annonce qu’elle demande à la Russie le curage de l’embouchure de Soulina, c’est-à-dire la seule passe du Danube qui soit encore navigable, et qui ne l’est plus qu’à grand’peine, parce que la Russie, l’a laissé, à dessein, s’ensabler. Si la Russie refuse de curer la Soulina, l’Autriche, reprendra le projet du canal de Rasova, c’est-à-dire qu’elle fera arriver le Danube plus vite dans la mer Noire, en faisant creuser de Rasova à la mer Noire un nouveau lit pour le fleuve. Jusqu’à Rasova en effet, et encore au-dessous, le Danube appartient à la Porte ottomane. Il n’y a que les embouchures qui, depuis le traité d’Andrinople en 1828, appartiennent à la Russie, et, puisqu’elle les laisse s’ensabler pour ruiner ou pour affaiblir le commerce de l’Autriche et de l’Allemagne méridionale, il est tout simple que l’Autriche songe à ouvrir au fleuve une embouchure indépendante et plus courte. Cette défense que l’Autriche fait de son grand fleuve contre la Russie la réhabilite de l’intervention russe en Hongrie.

Elle s’en réhabilite encore d’une manière plus heureuse en regagnant par sa clémence l’affection de la Hongrie. Le général Haynau, qui avait soumis la Hongrie, mais qui continuait à la traiter en pays conquis, qui ne pardonnait à personne et ne permettait pas que l’empereur pardonnât, a perdu le commandement de la Hongrie, et depuis ce moment cette malheureuse contrée recommence à espérer et recommence à aimer cette famille de Marie-Thérèse qu’elle avait sauvée autrefois, et qu’elle avait combattue dans ces derniers temps par malentendu plutôt que par haine. Le Danube libre, la Hongrie paisible et affectionnée, l’Allemagne réunie à l’Autriche dans une grande association douanière et commerciale qui sert de base à l’union fédérale, voilà les œuvres et les projets de l’Autriche, et il faut avouer que, depuis que l’Autriche est sortie des embarras que lui avaient créés les insurrections italiennes et hongroises, tout lui a réussi, et que dans sa lutte contre la Prusse tous les avantages ont jusqu’ici été pour elle. Ces succès font honneur au gouvernement du prince Schwartzemberg, qui a su avoir une politique libérale sans être révolutionnaire, et allemande sans être teutonique.

— On a souvent invoqué contre le génie américain la stérilité de la littérature et des arts aux États-Unis, comme si un peuple encore enfant et tout occupé de jeter les fondemens de sa grandeur future était dans les mêmes conditions que les nations européennes. Il était facile de prévoir que le jour où les Américains pourraient détacher leurs regards des nécessités du présent, où le loisir et le luxe tiendraient à leur tour une place dans leur existence, la littérature naîtrait comme spontanément aux États-Unis. Les lettres américaines comptent déjà plusieurs noms glorieux, les arts ne tarderont pas à suivre leurs progrès.