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à une sorte de protestation contre la confiance qui tend à renaître. En présence de ces désavantages que j’ai mesurés, si je ne crois pas devoir m’arrêter, on ne m’accusera pas, je l’espère, de présomption, et l’on voudra bien considérer qu’après tant de fautes commises et dans l’état où sont encore aujourd’hui nos finances, c’est le devoir de tous, du plus humble comme du plus illustre, de travailler sans relâche à éclairer au moins autant qu’à rassurer les esprits.

Le décret qui donna un cours forcé aux billets de la Banque de France fut légitime au même titre que celui qui établit l’impôt des quarante-cinq centimes. La révolution de février étant donnée avec cette annihilation soudaine et complète des valeurs mobilières, avec cette défiance universelle et profonde qui avait envahi le domaine du crédit, il n’y avait pas d’autre moyen de rétablir un peu de sécurité et de conserver dans les caisses de la Banque, qui sont le grand réservoir du numéraire, les espèces dont le trésor avait besoin. Du 26 février au 15 mars, la Banque remboursa 110 millions. Ce jour-là, elle n’avait plus, pour faire face aux demandes du trésor et des particuliers qui assiégeaient ses guichets, qu’une réserve métallique de 122 millions, et elle devait encore 45 millions à l’état, 81 millions aux déposans divers par comptes courans, enfin les billets mis en circulation jusqu’à concurrence de 264 millions, ensemble 390 millions. Ajoutez que les effets de commerce escomptés par la Banque ne représentaient plus en grande partie que des valeurs mortes ; un moment, les effets en souffrance dépassèrent 84 millions de francs.

Pendant que les échéances des obligations commerciales étaient prorogées, que le trésor cessait de rembourser les sommes déposées dans les caisses d’épargne, et qu’il laissait protester, pour ainsi dire, sur ses propres bons la signature de l’état, la Banque ne pouvait pas continuer seule à remplir les engagemens qu’elle avait contractés : le naufrage du trésor devait entraîner, un jour plus tôt, un jour plus tard, celui de toutes les puissances financières. Le crédit de la Banque avait mieux résisté que celui de l’état ; pour maintenir ce qui en restait, il ne fallait pas cependant resserrer pour elle les liens que l’on était contraint de relâcher pour tout le monde.

Les établissemens de crédit doivent être assez fortement constitués pour résister aux crises périodiques de l’industrie et du commerce ; mais comment les mettre à l’abri des commotions que déterminent les changemens politiques, comment les construire à l’épreuve de l’anarchie ou de la guerre, des révolutions ou des invasions ? En 1797, la banque d’Angleterre n’échappa aux conséquences de la lutte européenne, dans laquelle l’Angleterre elle-même était engagée, qu’en suspendant le remboursement de ses billets. La Banque de France eût succombé en 1848 sans la déclaration du cours forcé qui fit de ses billets