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capital de 65 millions sans déprimer le marché ni sans s’exposer à des pertes. La Banque ne rencontrera pas toujours des acheteurs à l’étranger, un empereur de Russie apparaissant à point nommé pour la tirer d’embarras. Ensuite, et en supposant ces rentes réalisées, la différence entre le passif exigible et l’actif réalisable resterait encore de 73 millions. Je ne veux rien exagérer, et je suis loin de présenter cette situation comme alarmante. Le public, ayant éprouvé la solidité de la Banque, ne se précipitera pas en masse vers ses guichets pour demander, par centaines de millions, l’échange de ses billets contre des espèces. La Banque de France est à cette heure, sans même en excepter la banque d’Angleterre, le plus grand réservoir, de métaux précieux ; il faudrait, pour l’épuiser, bien du temps et une panique bien extraordinaire. De plus, les billets sont entrés dans la circulation comme un élément indispensable des échanges ; il n’y a pas de force humaine qui puisse les en expulser tous à la fois.

Cependant, à ne prendre que le côté moral des choses, le crédit de la Banque peut souffrir de la situation qu’on lui fait Ce crédit est fondé jusqu’à un certain point sur l’indépendance qu’on lui suppose Le public ne s’accoutumera jamais à l’idée de voir le capital de la Banque de France absorbé et au-delà par les besoins de l’état. Aucun établissement de crédit ne peut prêter à la fois au gouvernement et au commerce, faire le double service de la dette flottante et de l’escompte. La banque d’Angleterre, qui a prêté à l’état les deux tiers de son capital et qui convertit le reste en bons de l’Échiquier, ne rend que de très rares services au commerce de la Cité ; elle donne à peine, pour quelques rares transactions, le taux de l’escompte, qui est la profession d’établissemens spéciaux. La Banque de France, au contraire, est principalement une banque d’escompte ; si l’on veut qu’elle ne perde pas ce caractère et qu’elle continue à rendre les services qui l’ont recommandée depuis son origine au monde commercial, il faut se hâter de mettre un terme au régime exceptionnel qui l’a convertie en une sorte d’annexe et de dépendance du trésor.

Les banques sont instituées pour les prêts à courte échéance. Sans cela, elles n’offriraient aucune sécurité aux preneurs des billets qu’elles mettent en circulation. Tous les établissemens de ce genre qui se sont engagés dans des opérations à long terme, soit en traitant avec l’état, soit en traitant avec les entrepreneurs d’industrie ou avec les possesseurs du sol n’ont pas tardé à succomber. Les annales financières de l’Angleterre, de la Belgique et des États-Unis sont pleines de ces tristes exemples. N’allons pas y ajouter un naufrage de plus. En ce moment, rien n’est plus anormal que la situation de la Banque de France. Son Capital, depuis qu’elle est réunie aux banques départementales, s’élève a 108 millions de francs, dont plus de 7 millions sont représentés par