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de ses paroles à la valeur réelle de l’œuvre dont il s’occuppe ; mais nous possédons une gravure d’Edelinck, exécutée, à ce qu’on croit, d’après un dessin de Rubens, et l’Etruria Pittrice a reproduit une partie du même carton, dont le dessin est attribué au Bronzino. Or, quoique la gravure d’Edelinck et la gravure de l’Etruria Pittrice ne procèdent pas directement de l’œuvre originale de Léonard, on ne peut cependant contester d’une façon absolue l’autorité de ces copies, car elles sont dues à deux hommes dont le savoir et l’habileté sont depuis longtemps établis. Nous pouvons d’ailleurs contrôler ces deux gravures par deux passages tirés des manuscrits de Léonard : l’un qui se rapporte directement à la bataille d’Anghiari, et qui offre la description de cette bataille dans ses moindres détails ; depuis les faits réels jusqu’aux épisodes purement légendaires, l’autre qui renferme des préceptes généraux applicables à la peinture des batailles et dont plusieurs parties s’accordent merveilleusement avec les gravures d’Edelinck et de l’Etruria Pittrice. On sait que Raphaël, occupé à Sienne des peintures de la bibliothèque dont il avait fourni les cartons à son condisciple Pinturicchio, vint à Florence pour étudier le carton de Léonard, exposé dans le palais de la seigneurie, en même temps que le carton de Michel-Ange, dont le sujet était pareillement tiré de l’histoire toscane. Thomas Lawrence possédait un dessin de Raphaël, dans un coin duquel le jeune élève du Pérugin avait reproduit à la plume, un épisode du carton de Léonard. Il n’est donc pas impossible d’estimer la valeur de ce carton, au moins d’une façon approximative, sous le rapport de la composition et de l’élégance. On retrouve dans les documens que j’ai cités la grandeur, l’énergie et la grace des cavaliers du Parthénon. Léonard avait-il sous les yeux quelques dessins exécutés d’après les Panathénées, d’après le combat des Lapithes et des Centaures ? A cet égard, les biographes sont muets. Nous savons, il est vrai, que Raphaël envoya en Grèce plusieurs de ses élèves pour dessiner les ruines du Parthénon, lorsqu’il entreprit la décoration du Vatican ; mais l’arrivée de Raphaël à Rome est, de 1508, et le carton de Léonard à Florence est de 1503. Il est donc permis de supposer que les chevaux de la Bataille d’Anghiari relèvent directement des études spéciales que Léonard avait faites d’après nature, et le talent de son maître Andrea del Verocchio devait d’ailleurs diriger naturellement ses études de ce côté. Je ne parle pas d’une lithographie publiée en France comme offrant la composition complète du carton de Léonard. Cette lithographie, pour tous les hommes éclairés, n’est qu’une pure mystification, et je me sers d’un terme indulgent. Malheureusement la manière inusitée dont Léonard avait préparé la muraille destinée à recevoir sa peinture altéra singulièrement les premières figures transcrites d’après le carton, et Léonard, pour couper court aux accusations calomnieuses qui le poursuivaient,