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plus de six lignes ; ou ne signifient rien ou rappellent des vérités tellement connues, tellement à l’abri de toute contestation, qu’elles peuvent à bon droit passer pour trop vraies. Rubens avait raison quanti il appelait ce prétendu traité un recueil de lieux communs ; car, si l’on peut y puiser des leçons très profitables sur la manière de placer le modèle, sur la distribution de la lumière et des ombres, sur la méthode, la plus sûre pour exprimer le relief des corps, on y rencontre à chaque page des puérilités que. Léonard n’a certes jamais tirées de sots cerveau. Le volume publié en 1651 par Dufresne, et plus tard réimprimé à Rome et à Milan avec de nombreuses additions, ne peut être jugé comme un traité de peinture. C’est un recueil de notes choisies sans trop de discernement dans les manuscrits de Léonard et classées sans logique, sans prévoyance.

Le prétendu traité d’hydraulique publié à Bologne en 1828 n’est pas davantage l’œuvre composée sous ce titre par Léonard. C’est, comme le traité de peinture que nous possédons, un recueil de notes et rien de plus. Cependant la valeur scientifique de ce dernier recueil, de l’avis unanime des hommes compétens, dépasse de beaucoup la valeur esthétique et technique du volume donné comme traité de peinture.

Les manuscrits de Léonard, dont la plus grande partie est malheureusement perdue, mais dont plusieurs volumes sont conservés dans les bibliothèques de Milan, de Londres et de Paris, prouvent clairement qu’il avait embrassé le cercle entier des connaissances humaines depuis l’astronomie jusqu’à l’anatomie comparée. Non-seulement il avait étudié l’algèbre, la géométrie, la mécanique rationnelle dans toute leur généralité, et enrichi ces trois branches du savoir humain de solutions nouvelles, mais il avait deviné le mouvement de la terre autour du soleil long-temps avant Copernic, dont les découvertes n’ont été publiées qu’après sa mort, c’est-à-dire vingt-quatre ans après la mort de Léonard. Il avait étudié la théorie des marées. Il avait compris le rôle de l’air dans la combustion et dans la respiration, qui n’est pour les physiologistes qu’une forme particulière de la combustion. Il avait des idées justes sur le poids, la condensation et la raréfaction de l’air, sur l’ascension et la chute des corps à la surface du globe, sur la scintillation des étoiles, sur la vision, sur l’hygrométrie. En creusant des canaux, il avait été amené à observer les différentes couches du globe, les débris fossiles du règne végétal et du règne animal, et il avait tenté de classer ces débris. Il n’avait négligé aucune partie de la science humaine, et, non content d’apprendre tout ce que savaient ses contemporains et d’agrandir le champ de la pensée par ses observations assidues, par ses méditations persévérantes, il poursuivait une égale ardeur l’application de ses théories à l’industrie. Un jour il inventait une machine pour tondre le drap, le lendemain un balancier