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dont le nom n’a pas changé, mais qui avait alors vingt fois sa valeur d’aujourd’hui, par les fraudes ordinaires dans la déclaration du prix des ventes, par les précautions prises pour éviter les cas de réversibilité, enfin par les concessions faites aux pareils pour le rachat des titres, lorsque les cas de réversibilité se présentent.

Sans changer de système, il est évident que des mesures bien entendues pourraient offrir de grands bénéfices au trésor ; mais des résultats bien plus importans seraient obtenus, si l’on parvenait à désintéresser les mosquées et à donner aux tenanciers actuels de nouveaux titres qui les rendraient véritablement propriétaires. Cette réforme est généralement désirée. Il n’est personne qui, pour rentrer en pleine propriété de ses immeubles ainsi engagés, ne donnât volontiers un droit de mutation et ne consentît en outre à payer annuellement au trésor cinquante fois la valeur de la rente due aujourd’hui à la mosquée, tant il est vrai que la propriété en Turquie ne craint plus le retour de la spoliation ni de la violence ! De calcul, fait, en portant à 50 millions de piastres la somme que l’état allouerait aux mosquées en échange des 32 millions qu’elles perçoivent aujourd’hui, et sans taxer le revenu des immeubles à plus de 5 pour 100, le trésor réaliserait un bénéfice de plus de 60 millions de piastres. Par ce seul résultat, on peut juger de l’influence que cette réforme aurait dans la suite : en se généralisant, elle embrasserait toutes les propriétés ; enfin elle deviendrait naturellement le principe d’un impôt foncier qui donnerait plus de sécurité aux finances de l’empire.

L’impôt nommé vergu, autrefois salian, répond à l’income-tax des Anglais ; il varie, suivant les localités, de 10 à 25 pour 100 : c’est une taxe prélevée sur la fortune présumée, immobilière, mobilière ou commerciale ; elle porte indistinctement sur tous les sujets du grand-seigneur, musulmans ou rayas. Les municipalités, qui existent partout en Turquie, sont chargées de la répartition et de la perception ; elles en versent le produit aux agens financiers du gouvernement. Cette intervention des municipalités dans les questions financières est un des principes de leur organisation en Orient ; mais ce principe suppose dans les municipalités des lumières et des vues d’équité que l’on n’y rencontre point toujours. Il en est quelques-unes où l’esprit patriarcal et fraternel des premiers temps s’est conservé : la fortune de chacun, consistant généralement en terres et en bestiaux, est de notoriété publique ; la répartition de l’impôt est facile ; la justice perception s’exécute sans réclamations ni résistance. Dans quelques communes de l’Asie-Mineure, la justice n’est pas aussi scrupuleusement appliquée. Bien que les fonctions municipales soient électives, elles sont trop souvent le prix de l’intrigue et le privilège des hautes influences, d’où il suit que les grandes fortunes ne sont pas toujours celles qui sont frappées des impôts les plus forts : les petites souffrent, et le trésor avec elles. Sans porter atteinte à l’organisation des municipalités, qui ont été, dans les époques d’oppression, la sauvegarde des libertés individuelles, le gouvernement devrait surveiller leurs actes de plus près. Cette intervention ne prêterait plus aujourd’hui, comme autrefois, à la tyrannie, aux exactions, et le gouvernement pourrait se couvrir auprès des municipalités du prétexte très plausible des dégrèvemens qu’il a opérés en leur faveur. Les municipalités n’ait plus à leur charge le logement des gens de guerre et des employés en