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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/956

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celui qui jusqu’à ce jour a exploré avec le plus de succès ces îles inhospitalières. Le jardin botanique qu’il a créé dans file de Dezima, ses voyages à la cour impériale de Yédo, ses liaisons avec les astronomes, les géographes, les médecins les plus renommés du pays, ont dû mettre ce docte et hardi naturaliste à même de s’approprier, durant le séjour qu’il fit au Japon de 1823 à 1830, tous les élémens nécessaires au travail qu’il publie en langue allemande sous ce titre Nippon.

Depuis cette époque, les événemens politiques qui ont ouvert les abords du Céleste-Empire donnèrent à croire que les Japonais en viendraient à modifier leurs lois contre les étrangers, et qu’ils laisseraient la civilisation occidentale pénétrer dans leur territoire sous la forme du commerce et de l’industrie. Le roi de Hollande, voulant faire abroger ces lois sévères, traça à l’empereur du Japon le tableau des événemens inattendus qui ont forcé la Chine à multiplier, malgré elle, ses points de contact avec toutes les nations de la terre. Le monarque concluait de ce nouvel état de choses que le Japon, dans l’impossibilité, par son voisinage de Hong-Kong et de Chusan, d’échapper au même sort, devait prévenir une crise prochaine par des concessions capables de satisfaire les Européens. D’aussi graves remontrances, le vœu manifeste des insulaires de communiquer librement avec le reste du genre humain, leur nature plus pacifique que celle des Chinois, le vif intérêt que les autorités japonaises semblent porter aujourd’hui au progrès intellectuel ainsi qu’au mouvement politique des nations de l’Occident, le soin que ces autorités prennent d’entretenir à Nangasaki un bureau de linguistes chargée de traduire dans la langue nationale l’histoire des découvertes les plus récentes dans les sciences, les arts et l’industrie, tout semblait présager l’ouverture d’une ère nouvelle et des relations suivies entre l’Europe et le pays le plus reculé de l’Asie orientale. Néanmoins, deux années après avoir reçu les sérieuses exhortations qui lui étaient faites, l’empereur du Japon fit une réponse toute contraire à celle qu’on attendait de lui. « J’ai suivi avec attention, écrivit le potentat asiatique au monarque néerlandais, son fidèle allié, les événemens qui ont amené une réforme fondamentale dans la politique de l’empire chinois, et ces événemens mêmes, sur lesquels s’appuient les conseils que vous m’adressez, sont pour moi la preuve la plus claire u’un royaume ne peut jouir d’une paix durable que par l’exclusion rigoureuse de tous les étrangers. Si la Chine n’avait jamais permis aux Anglais de s’établir sur une vaste échelle à Canton et d’y prendre racine, les querelles qui ont causé la guerre n’auraient pas eu lieu, ou les Anglais se seraient trouvés si faibles qu’ils auraient succombé dans une lutte inégale ; mais, dès l’instant qu’on s’est laissé entamer sur un point, on est devenu plus vulnérable sur les autres. Ce raisonnement a été fait par mon trisaïeul lorsqu’il s’est agi de vous accorder la faculté de commercer avec le japon, et, sans les témoignages d’amitié sincère que vous avez souvent donnés à notre pays, il est certain que vous auriez été exclus comme l’ont été toutes les nations de l’Occident… L’avenir vous prouvera que notre politique est plus sage que celle de l’empire chinois. »

Plusieurs fois les Anglais, qui, en 1613, avaient eu un comptoir à Firando, essayèrent de renouer des liaisons de commerce avec le Japon, mais toujours inutilement. Leur démarches, fréquemment renouvelées eurent le même sort