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les connaissances de l’Orient sur ce sujet avec celles que possèdent aujourd’hui les peuples occidentaux. « Mises ainsi en parallèle avec les nôtres, ces pratiques séculaires, dit M. Bonafous, marqueront l’intervalle qui sépare l’Asie de l’Europe dans l’industrie sérigène, et ce livre, avec ses mythes, ses légendes, jetés à travers d’utiles préceptes, éclairera les esprits curieux d’étudier l’origine, les phases et les progrès d’une industrie désormais associée à la marche active de notre civilisation. » Les développemens immenses qu’avait reçus en Europe cette industrie laissaient douter, en effet, que nous eussions beaucoup à apprendre à ce sujet des nations asiatiques, lorsqu’en 1837 un célèbre sinologue, M. Stanislas Julien, fut appelé par le gouvernement français à faire un résumé des principaux traités chinois sur cette matière. Ce travail révéla une foule de détails mystérieux ou imparfaitement connus, relatifs à un art contemporain des âges primitifs du Céleste-Empire ; il fit connaître des méthodes, des pratiques sanctionnées par quarante siècles d’expérience, qui excitèrent partout une heureuse émulation, et permirent à l’industrie séricole en Europe de rivaliser sans désavantage avec celle des contrées dans lesquelles cet art a pris naissance, et dont un insecte au fil d’or constitue aujourd’hui la principale richesse.

Cependant la Chine n’est pas seule à posséder, avec l’Inde et la Perse, des procédés dignes d’être étudiés par ceux qui se livrent en Europe à la culture de la soie. À quelque distance de la côte orientale de l’empire du Milieu existe une vaste contrée où cette culture n’est ni moins prospère ni moins honorée. Peuplée de quarante millions d’habitans aussi civilisés et doués de plus d’intelligence que toutes les nations asiatiques qui les environnent, cette contrée est le Japon, le Ji-pen des Chinois. Isolé au sein des mers et gouverné, depuis deux mille ans, par des lois d’intolérance et de haine envers les étrangers, l’archipel japonais s’est déclaré, il y a deux siècles, inaccessible à toutes les nations européennes, les Hollandais exceptés. Ceux-ci, de même que les Coréens et les Chinois, dépossédés de leurs voiles et de leurs armes, vivent comme des prisonniers d’état dans une île dépendante de la ville de Nangasaki, la petite île de Dezima, où ils ne voient que des interprètes japonais, obligés par un serment solennel de garder le silence sur les affaires du pays. Depuis Marco Polo, le premier navigateur qui, dès le milieu du XIIIe siècle, signala l’archipel du Japon que Mendez Pinto reconnut trois siècles plus tard, quelques missionnaires et deux médecins naturalistes ; Koempfer et Thunberg, au XVIIe et au XVIIIe siècles, soulevèrent un coin du voile qui dérobait ces îles à la curiosité universelle. Isaac Titsing, directeur du commerce hollandais à Nangasaki, durant un séjour de quatorze années, y recueillit les notions les plus exactes et les plus secrètes qu’il fût possible à un étranger d’acquérir. Malheureusement, sa mort, survenue à Paris en 1812, ne permit pas de publier ces précieux documens. Les compagnons de Krusenstern, dans son voyage autour du monde, et quelques membres du comptoir hollandais de Dezima, ont eu des rapports trop difficiles avec le Japon pour que l’on puisse tirer de leurs écrits des révélations importantes. On attend mieux d’une publication que prépare M. de Siebold, savant allemand, chargé par le gouvernement colonial de Batavia de réunir tout ce qu’il est possible de se procurer sur l’histoire sociale, physique et naturelle de l’archipel japonais. M. de Siebold est, de tous les voyageurs,