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XII

Quelques-uns sentent le danger et se serrent contre toi, mais ils sont si peu nombreux, qu’un petit morceau de drap suffit à faire leur manteau. Pardonne, ô père, aux molles intelligences, si leur oreille paresseuse n’a pas encore entendu ton noble rugissement, si la fraude dépouille l’autruche, et si l’orgueil couvre de ses plumes les ailes de l’aigle céleste !

XIII

Moi qui veux te louer sincèrement, m’épuisant à l’œuvre, avec un courage ardent et me défiant de moi-même, je t’emprunte ta langue pour te révéler tout entier ; si ma trop grande hardiesse éloigne le frein, la parole ne me manque pas : permets que, dans ma petite barque, je suive ton vaisseau qui traverse les flots en chantant.

XIV

O maître ! ô seigneur ! honneur et lumière des autres poètes, laisse-moi une prévaloir de la longue étude et du grand amour qui m’a fait chercher ton livre : j’ai vu ce que je ne puis redire, moi, libre ami de la vérité, sans que ma parole ne devienne pour moi un sujet de chagrin ou de reproche, ou par ma propre honte, ou par la honte d’autrui.

XV

Tu verras s’asseoir aux riches banquets celui qui est dépourvu de tout savoir, qui sème la prose et les vers, et qui, en écrivant, n’est ni un ni deux. Hélas ! ô philosophie ! que tu es changée, puisque, par lâcheté, tu renies le bon sens de nos pères, et que tu montres du doigt le triste septentrion !

XVI

Ici l’âne s’engraisse stupidement, brait et s’apaise, et change de bât de l’été à l’hiver ; une foule oisive et ignorante va criant liberté, et ce cri est répété par celui qui a l’œil ouvert pour spéculer sur les troubles de la patrie, et Judas lui-même ne pourrait soutenir la puanteur d’une telle corruption.

XVII

La vieille gloire est éteinte, et toutes les terres d’Italie sont pleines de tyrans, et tout paysan qui prend les armes devient un martyr ; la fosse de Caïn attend, pour ses vieilles et pour ses nouvelles offenses, celui qui, nourri de remords et de honte, du haut des montagnes du Piémont, nous a meurtris et torturés.

XVIII

Ton ame, aujourd’hui changée, s’indigne et se plaint sans doute que César, armé de griffes toutes puissantes, ait abandonné le jardin de l’empire ; tu vois comme le mauvais gouvernement, qui abat tous les cœurs, dévore et la Lombardie et Venise ; Modène et Parme gémissent.