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le commerce, et le commerce donne naissance au crédit. Aucun de ces élémens n’est parasite ou superflu, et ils s’engendrent l’un l’autre.

L’exposé des motifs prétend encore que le capital des banques est celui des planteurs, et qu’escompter la signature du commerçant, sans escompter aussi celle du planteur, ou n’escompter celle-ci que moyennant l’adjonction de celle-là, ce serait créer une situation qui manquerait d’équité, mais les banques peuvent prêter aux planteurs sans avancer leur argent sur la garantie fort chanceuse des récoltes. En exigeant plusieurs signatures pour admettre les effets à l’escompte, les banques n’exigeront pas que les signataires soient nécessairement adonnés au commerce plutôt qu’à l’agriculture ou à l’industrie. Laissons donc de côté les catégories, et ne mêlons pas à une question de crédit de vaines distinctions de personnes. C’est l’intérêt des planteurs, dont on affecte les capitaux à fonder des banques, que ces établissemens soient dirigés par des règles sévères, et qu’ils commandent la confiance par leur solidité. À un autre point de vue, ils ont tout à gagner à ce que le crédit se développe, quelles que doivent être les personnes ou les professions qui en recevront les premiers bienfaits. Le crédit rayonne du point central où il se forme. Quand les commerçans empruntent à 4 ou à 5 pour 100, les propriétaires ne sont pas bien loin d’obtenir de l’argent au même taux.

Les banques, pour rester fidèles au principe de leur institution, ne doivent pas prêter à longue échéance. Les billets qu’elles émettent ne font office de monnaie qu’à condition d’être remboursables à toute heure. Et, afin de se trouver toujours prêtes à rembourser tous les billets qui peuvent leur être présentés, les banques doivent se refuser aux placemens qui affaiblissent, par la longueur du terme, la disponibilité de leur capital. Ce n’est pas assez qu’elles gardent incessamment une forte réserve en numéraire, il faut encore que la partie du capital qu’elles engagent soit représentée par des valeurs réalisables ou d’une échéance peu éloignée. Il n’y a de sécurité, il n’y a de crédit qu’à ces conditions élémentaires.

Les banques ne peuvent pas prêter à long terme ; mais, de tous les prêts à long terme, les avances sur garantie de récoltes seraient les plus désastreux. Je sais bien que le projet entoure ces transactions de formes solennelles, j’ai lu encore dans l’exposé des motifs que l’importance des prêts serait limitée à la moitié de la valeur présumée du gage ; mais quelle précaution aura la vertu de garantir la réalité du gage lui-même ?

La récolte du sucre aux Antilles n’est pas exposée seulement aux mêmes accidens atmosphériques qui peuvent affaiblir en Europe le rendement des moissons. Indépendamment de ces pertes partielles qu’amènent la sécheresse ou l’humidité, la grêle ou les ravages des