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proposée il y a maintenant un mois, et dont on a senti si vite l’excellente influence.

Il en est toutefois du président comme de l’assemblée ; il ne pousse pas l’abnégation jusqu’à l’effacement, tant s’en faut ; le pied qu’il avait sur la scène, il le garde. De même que l’assemblée entend profiter jusqu’au bout de la constitution, et rappelle avec des intentions très spéciales les droits de sa prérogative, le président, d’autre part, se glorifie toujours des origines de son pouvoir, comme s’il craignait de laisser amoindrir son titre en ne répétant pas assez d’où il vient. De même aussi que les partisans un peu jaloux du pouvoir exécutif seraient tentés de se plaindre des empiétemens parlementaires, les parlementaires susceptibles pourraient bien avoir quelque chose à redire contre cette évocation du suffrage universel, derrière laquelle le président est évidemment fier de s’abriter. Cette sympathie si naturelle pour l’institution qui a fait son avènement n’est pas propre à charmer des hommes qui ont si singulièrement modifié et l’institution elle-même et son usage par la loi électorale du 31 mai. Ceux qui préfèrent encore l’électorat réformé du 31 mai à l’électorat primitif tel que l’établissait la constitution, et, pour notre part, nous sommes de ce nombre, ceux-là ne sauraient voir avec beaucoup de satisfaction le pouvoir exécutif qui a promulgué la loi du 31 mai afficher des préférences trop contraires à cette loi. Cette contradiction n’est sans doute qu’une manière de marquer sa place et de réserver ses chances pour l’avenir ; mais, si l’on n’y mettait de la prudence, elle pourrait avoir des inconvéniens très immédiats : les docteurs du suffrage universel pur ne sont pas une compagnie à laquelle on puisse gagner, pour peu qu’on ait de perspectives raisonnables.

Nous nous empressons, du reste, de reconnaître que le président, en rappelant à l’Hôtel-de-Ville ces souvenirs d’élection populaire qui étaient là de circonstance, n’a pas insisté particulièrement sur les points qui pouvaient faire litige, et qu’il a su laisser dans une ombre assez couverte leur côté scabreux. Avec une prédilection très honorable, il a même envisagé l’origine de son pouvoir d’un point de vue bien supérieur. Ce qui en a, selon lui, créé la force, ce n’est pas tant que le droit électoral d’où il est sorti était le droit universel, le président n’a pas dit cela : c’est qu’il était pour la première fois, depuis février, un droit exercé régulièrement et légitimement.. Les élections de la constituante avaient ce grand désavantage par rapport à la sienne, d’être le résultat d’un décret arbitraire émané d’une commission de salut public ; elles avaient été violentées ou corrompues par les agens d’un pouvoir dictatorial, elles étaient « un fait révolutionnaire. » L’élection du 10 décembre a recommencé une ère normale de gouvernement, et c’est là le caractère distinctif, le titre suprême de l’élu, c’est celui-là qu’il sied de mettre en lumière. Au milieu de l’obscurcissement général des principes d’ordre et de légalité, il est utile d’entendre proclamer de haut qu’il n’y a point de stabilité en dehors de la loi, qu’il n’est point de mission providentielle, à quelque titre qu’on se l’attribue, qui vaille, pour le prestige de l’autorité dont on est investi, cette simple et honnête qualité de n’être point issu « d’un fait révolutionnaire. »

Si le président, au nom et en vertu de son origine répudie les faits révolutionnaires, il ne cache point cependant sa gratitude et sa foi pour ce qu’il appelle « le droit né de la révolution. » Qu’est-ce donc à dire ? et y aurait-il là