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parlementaire qui avait été occupée, nous ne voulons pas dire accaparée, par le rapport de M. de Montalembert sur l’observation du dimanche et des jours fériés. M. de Montalembert a été un auxiliaire très dévoué du président, il l’est encore ; mais il n’y a point lieu de croire qu’ils se soient réciproquement communiqué, l’un son rapport, et l’autre son discours. Le matin, M. de Montalembert témoignait tout son regret de ne pouvoir rétablir dans ses meilleurs articles cette loi du 18 novembre 1814, par laquelle la restauration montrait si bien jusqu’à quel point elle ignorait le pays où elle croyait reprendre racine ; il proposait du moins « de remplacer avantageusement » cette loi impossible en en faisant prévaloir le principe et revivre l’application. » Le matin, M. de Montalembert écrasait de ses dédains tous les principes de notre société moderne : le principe de tolérance, le principe d’égalité, la séparation de l’ordre politique et de l’ordre religieux ; il exaltait avec une secrète amertume le bienfait perdu des religions d’état. Et le soir, M. le président de la république disait hautement : « Les gouvernemens qui, après de longs troubles civils, sont parvenus à rétablir le pouvoir et la liberté, ont, tout en domptant l’esprit révolutionnaire, puisé leur force dans le droit né de la révolution. Ceux-là au contraire ont été impuissans, qui sont allés chercher le droit dans la contre-révolution. » Lequel des deux orateurs faisait la leçon à l’autre ?

Nous n’avons aucune envie de méconnaître les services que M. de Montalembert a rendus depuis trois ans à la cause commune pour laquelle tous les partis qui respectent l’ordre et les lois ont apporté leur contingent d’efforts et de bonne volonté. Il est venu au combat avec les idées qui lui étaient propres, comme d’autres venaient avec les leurs, et, tous s’entr’aidant selon les moyens dont chacun disposait, on a fait face à l’anarchie. M. de Montalembert a sans doute contribué beaucoup au succès qui a couronné cette lutte généreuse, et le drapeau sous lequel il se place avec un orgueil si sincère était digne de figurer au premier rang dans une pareille mêlée ; la religion est par elle-même une puissance tutélaire pour toute société sur laquelle on lui laisse son libre cours. Mais à côté de la vertu religieuse, si éminemment représentée par M. de Montalembert, il y eut aussi des vertus laïques qui supportèrent avec un égal dévouement le poids du jour et de la chaleur ; il y eut le courage des soldats, la fermeté des juges, le zèle des bons citoyens. Que ces vertus aient eu leurs défaillances, hélas ! nous en convenons ; qui n’a pas eu les siennes ? Nous nous rappelons encore cet illustre prélat qui, s’étant trop hâté de faire l’oraison funèbre des victimes de février, comparait pieusement aux martyrs du Sonderbund, qu’il avait naguère célébrés, ces nouveaux martyrs de la liberté française. La vertu de M. de Montalembert n’a pas souffert de ces éclipses ; aussi voit-on qu’il ne peut se défendre de la croire seule infaillible et souveraine. À lire certains passages de la dernière production sortie de sa plume, on ne peut se dissimuler qu’il n’a pas compris comme tout le monde l’acte d’alliance qui a été signé entre les différens partis conservateurs. Il est évident que dans sa pensée personne n’a traité avec lui d’égal à égal ; c’est lui qui a reçu les autres à résipiscence : « On a dû comprendre les obligations qu’on s’imposait ! » Il va sans dire que s’il a traité d’aussi haut, c’est parce que c’était lui qui stipulait pour la religion ; mais il y a, sans qu’assurément il s’en doute, il y a dans le ton