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L’usage du repos hebdomadaire, la fixation du jour de repos au dimanche, sont parmi les plus regrettables coutumes qu’un pays puisse perdre. Notre avis, à nous aussi, est tout-à-fait que l’existence matérielle, intellectuelle et morale des populations se flétrirait bientôt sous l’uniformité abrutissante de ces semaines qui se succéderaient sans répit et sans fin, si elles n’étaient coupées par le jour du Seigneur. Il n’y a qu’à voir un dimanche de campagne ou de province, fût-ce même dans la petite ville de La Bruyère, pour sentir et déplorer l’aridité des dimanches de Paris et des grandes cités. Tout cela est vrai ; mais ce qui est encore plus vrai, c’est que la loi n’a point qualité pour violenter les mœurs à moins d’être une loi socialiste, c’est que le sentiment religieux s’inculque par la libre influence des bons exemples et non par l’intervention brutale des règlemens de police, c’est qu’il y a quelque chose de pire que l’irréligion publique, à savoir la publique hypocrisie ; c’est qu’en faisant des choses religieuses une matière de surveillance administrative, on ôte aux cœurs bien placés le goût naturel qu’ils auraient pour en jouir. Nous ne doutons pas que l’assemblée n’ait toutes ces considérations très présentes lorsqu’elle votera sur une loi, dont la portée va bien au-delà de son texte. Nous inclinons d’ailleurs à penser que M. de Montalembert n’aura pas médiocrement desservi le projet par la seule lecture de son rapport : c’est même pour cela que nous avons tant parlé du rapporteur.

Nous voudrions cependant donner ici quelque place à toute une suite de discussions qui ont défrayé, dans ces derniers jours, les séances de l’assemblée nationale. Ces discussions étaient d’ordre pratique et d’intérêt matériel ; elles ont été sérieuses et concluantes, et la conclusion qui s’est presque toujours trouvée la même, quoique sur des points très divers, est assez frappante pour mériter qu’on la relève. Il s’agissait de différens projets émanés soit du gouvernement, soit de l’initiative parlementaire, et tous conçus en vue de l’amélioration du sort des classes les moins favorisées : l’abolition de la prestation en nature pour l’entretien des chemins vicinaux, l’organisation d’une assistance judiciaire pour les indigens, la répression de l’usure, l’établissement de bains et de lavoirs publics, telles étaient les questions que l’assemblée avait à résoudre, et c’est une justice à lui rendre qu’elle les a toutes abordées avec la meilleure intention de faire le bien pour le bien. Seulement il est difficile que ces débats très consciencieux une fois terminés, chacun n’ait point fini par s’avouer à lui-même qu’il y avait déjà beaucoup plus de choses faites qu’on ne l’aurait pensé, avant cette enquête positive. C’est ainsi que le débat relatif à la viabilité des chemins vicinaux s’est terminé par la confirmation pure et simple de la loi du 21 mai 1836, qui est l’une des mesures les plus utiles dont le pays soit redevable au gouvernement de 1830.

De même, quand on a étudié d’un peu près le problème de l’assistance judiciaire, on a rencontré des usages et des règlemens qui l’instituaient déjà dans des voies assez bonnes pour qu’on n’eût plus qu’à les suivre. Enfin la proposition de M. de Saint-Priest, qui, dans un zèle excessif contre le fléau très réel de l’usure, prétendait ériger en délit le fait accidentel aussi bien que l’habitude, n’a pas réussi à ébranler le principe tout pratique de la loi de 1807. Cette loi était d’autre part vigoureusement attaquée au nom des doctrines de liberté commerciale ; mais ceux même qui, comme M. Faucher, soutenaient en principe