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partie quelconque du grand tout national qu’on avait aspiré à gouverner. Et plus les perspectives diminuaient aussitôt qu’on y touchait, plus les ambitions patriotiques que l’on suscitait comme à plaisir se heurtaient rudement, quand elles prenaient terre contre les mesquines proportions de la réalité, plus aussi la désaffection s’étendait en Prusse, plus il montait vers le trône de reproches et de ressentimens.

L’énergie de l’Autriche croissait toujours, son ascendant l’emportait d’autant que la Prusse se montrait de plus en plus décontenancée. À l’automne de 1849, elle avait encore semblé reconnaître la possibilité d’un double empire elle avait accepté l’interim de septembre qui, étant un partage amiable et provisoire entre les deux puissances, n’en abandonnait aucune ; mais l’interim n’était pas terminé, que l’Autriche, allant bien au-delà, se prétendait tout d’un coup remise en possession de son ancien droit présidial sur le corps germanique, et sans plus tenir compte de l’union prussienne du 26 mai, dont les commissaires siégeaient pourtant dans l’interim, elle convoquait l’assemblée plénière des états allemands aux termes du pacte de 1815. C’était un premier pas dans la voie de restauration où elle allait marcher si hardiment, c’était un premier signe de la ferme volonté qu’elle avait déjà d’infirmer comme nul et non avenu tout ce que la Prusse avait fait depuis 1848. La Prusse, toujours frémissante et impuissante à rien résoudre, niait de son côté la valeur légale des procédés de l’Autriche, mais elle niait mollement, argumentant du droit contre le fait et laissant le fait grandir. Ce fut ainsi qu’à l’automne de 1850 la diète de Francfort, la diète de 1815, se retrouva constituée sous la présidence autrichienne, constituée comme si elle n’avait pas abdiqué devant le parlement révolutionnaire de Francfort, constituée non pas seulement en assemblée plénière, mais en conseil étroit des dix-sept. Le sanhédrin germanique était rebâti de toutes pièces sous les yeux de la Prusse inquiète, indécise et comme stupéfiée. Cette attitude vacillante, cette sombre ivresse du malheur qui perd les trônes, achevaient maintenant d’ôter à la cour de Berlin ce qui lui restait de prestige dans l’opinion. Elle niait toujours néanmoins l’autorité de Francfort ; elle parlait de sa diète à elle, de son collège des princes, de son union d’états, comme si toutes les institutions les plus savantes pouvaient être autre chose que des fantômes, quand on n’y sent point circuler la force vivante d’un homme et d’un chef.

La diète de Francfort et l’union prussienne ainsi placées face à face, les occasions de conflit ne pouvaient manquer de surgir bientôt. On se rappelle encore assez le reste. Le conflit s’est présenté sur deux points : en Holstein et en Hesse, où la politique prussienne s’était imprudemment aventurée. Les conférences de Bregenz avaient préparé la guerre, celles de Varsovie auraient peut-être amené plutôt la paix, qui est sortie d’Olmütz. Le ministère et la retraite de M. de Radowitz, la mort de M. de Brandenbourg, la mobilisation de la landwvehr, qu’on renvoie déjà en grande partie dans ses foyers, la lutte intérieure du ministre de la paix contre le ministre de la guerre, tout ce trouble trop attesté par tant de signes funestes, cette angoisse qui ne permet ni la résolution d’un beau désespoir ni la sagesse d’une concession opportune, ce spectacle de désordre et de confusion explique assez les exigences de l’Autriche. Si l’on a sujet de s’étonner, c’est que celle-ci n’ait pas poussé plus loin après