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s’être tant avancée, c’est qu’elle ait encore réservé à la Prusse les issues qu’elle lui laisse pour sortir de l’impasse.

La Prusse en est quitte pour abandonner ses alliés de Hesse et de Holstein, cela se voit à toutes les pages dans l’histoire des grandes puissances, et elle peut se dire qu’elle a sauvé jusqu’à nouvel ordre son plus essentiel, son principe d’union séparée, son existence distincte de celle de Francfort, dont la diète est reléguée provisoirement dans l’ombre. D’ici au complet dénoûment, il n’y a plus en Allemagne, comme autorités centrales fonctionnant de droit, ni union prussienne, ni diète de Francfort ; le congrès de Dresde tiendra lieu de tout, et, en attendant, la Prusse assistera ou participera, mais comme puissance libre et étrangère, à l’exécution que les troupes fédérales doivent diriger sur la Hesse et le Holstein. La Prusse a sauvé cela.

Plus d’une raison aura déterminé M. de Schwarzenberg à ménager dans une certaine limite les restes de la fortune prussienne. L’horreur d’une rupture sanglante entre deux grandes puissances dans les conditions où se trouve actuellement l’Europe aura sans doute été la considération la plus puissante sur les négociateurs d’Olmütz. L’état de l’Autriche en particulier ne devait pas non plus rendre M. de Schwarzenberg très désireux d’entamer une si terrible affaire. À mesure que les chances de guerre augmentaient, la crise financière prenait à Vienne des proportions effrayantes. L’Autriche, qui a relevé sur un si bon pied sa situation diplomatique et militaire, n’a pas encore eu le même bonheur pour ses finances : il était difficile d’imaginer comment on suffirait aux frais d’une campagne, ou bien il l’allait vivre sur l’ennemi et recommencer la guerre de trente ans. La politique de la guerre n’était ainsi qu’une nécessité qu’on subissait, loin d’être un enthousiasme qui entraînât. La conférence d’Olmütz a soulagé le cabinet de Vienne d’une responsabilité presque aussi lourde que celle qui pesait sur le cabinet de Berlin. Attendons maintenant les conférences de Dresde.

L’Espagne est heureuse, elle peut se donner le passe-temps des crises ministérielles ; encore ne faut-il pas prendre le mot trop au sérieux, puisqu’il s’agit du simple changement d’un des membres du cabinet de Madrid. Le fait, c’est la retraite volontaire du ministre des finances, M. Bravo-Murillo, et les commentaires, comme d’habitude, ont singulièrement excédé la portée du fait en lui-même. Après les articles de journaux sont venues les interpellations au congrès. Les crises ministérielles sont la bonne fortune des oisifs et des oppositions de tous les pays, surtout des pays calmes. Toujours est-il que si on espérait engager de ce côté une campagne contre le pouvoir du général Narvaez, la déception a suivi de près. M. Bravo-Murillo est un des membres éminens du parti modéré en Espagne ; il avait une juste part d’influence dans le ministère où il siégeait. Sa retraite est sans doute regrettable à ce titre ; mais, nous nous hâlons de le dire, elle n’entraîne nullement un changement de politique et elle s’explique à peine par une divergence moins encore d’opinion que de sentiment. Quel était en réalité l’objet du litige ? L’Espagne, un peu rassise de ses commotions, profite aujourd’hui des bienfaits d’une politique féconde pour remettre de l’ordre dans ses finances, comme elle en a mis dans son administration. Ce n’est point là le plus facile, mais il faut rendre justice aux efforts que fait le gouvernement espagnol pour y arriver. L’ancien ministre des