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qu’on le remarque bien, ces archives se composent, par leur nature même, d’ordres de dépenses, de budgets, et de comptes qui forment autant de documens faciles à vérifier et irréfutables par eux-mêmes. Que la mauvaise foi veuille interpréter, au gré des passions qui la conseillent, le caractère et la portée des pièces diplomatiques et administratives saisies par la révolte triomphante, elle pourra le faire sans doute, et elle le fera. Certes, son succès n’est plus possible aujourd’hui, et les accusateurs de la politique des dix-huit ans, accusés à leur tour, ne peuvent échapper aux condamnations de l’histoire. Cependant la mauvaise foi ne meurt jamais de ses défaites ; elle a toujours ses écrivains, ses journaux et son peuple : elle maintiendra donc encore le bien-jugé des passions démagogiques contre la politique, du roi Louis-Philippe ; mais, s’il est un terrain sur lequel les hommes de mauvaise foi rencontreront toutes les difficultés d’une position fausse et tous les embarras de la conscience, c’est assurément celui des affaires qui se résument en chiffres, en comptes et en pièces à l’appui. Il nous importe peu, disait, il y a quelques mois, un orateur montagnard, « de savoir dans quel sens plus ou moins généreux les dettes de la liste civile ont pu être contractées. » Qu’il y a loin, messieurs. de ce langage contraint et embarrassé aux accusations que vous dirigiez autrefois contre la monarchie avec une si injurieuse assurance ! Alors vous vouliez tout connaître, ou plutôt, à vous entendre, vous connaissiez tout ; vous saviez que les revenus du domaine privé s’élevaient à une somme quatre ou cinq fois plus forte que le chiffre des aveux officiels ; vous saviez que Louis-Philippe faisait incessamment passer des fonds en Angleterre ; vous saviez que l’administration de la liste civile détruisait les forêts de la couronne ; vous saviez enfin que la munificence et la charité étaient bannies du palais des rois ! Le superbe dédain que vous affectez maintenant en présence des faits qui vous pressent de toutes parts vous semble le moyen le plus certain de conserver à vos passions leur allié le plus nécessaire, leur complice le plus sûr, l’aveuglement et l’ignorance de la foule ; mais, Dieu merci, la conscience publique a d’autres exigences, et la France sait déjà quel nom méritent les accusateurs qui ont préparé par le trouble des ames les maux dont elle souffre.


II.
ORIGINE DES EMBARRAS DE LA LISTE CIVILE ET DU DOMAINE PRIVE. – LE ROI CHARLES X. – LA FAMILLE BONAPARTE. – LE COMMERCE ET LES OUVRIERS. – BENJAMIN CONSTANT. – AUDRY DE PUYRAVEAU. – J. LAFFITTE. – LA QUESTION DES DOTATIONS.

Le chiffre des dettes du roi au 24 février 1848 est le premier fait qui domine cette étude historique. Ces dettes, contractées soit par la liste