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force de sa prérogative constitutionnelle contre l’adoption de la loi qui bannissait la branche aînée des Bourbons, et qui imposait à chacun de ses princes l’obligation de vendre dans le délai d’une année les propriétés qu’il possédait en France. Le roi avait déjà obtenu que la nouvelle loi fût dépouillée du caractère violent et de la sanction odieuse (la peine de mort) introduite dans la loi dite d’amnistie, rendue en 1816 contre la famille Bonaparte[1]. Néanmoins cette modification était loin de suffire au roi Louis-Philippe : son vœu le plus ardent eût été de rayer la loi elle-même des codes français, et de ne laisser entre les royautés déchues et la royauté nouvelle d’autres barrières que celles de la volonté de la France. Membre alors de son conseil, où j’avais l’honneur de siéger comme collègue de Casimir Périer, je fus témoin des longues luttes que le roi soutint avec une infatigable habileté contre l’énergique insistance de son premier ministre, engagé sur cette question avec, son parti dans les deux chambres, non par ses passions, mais par les nécessités de la politique. La résistance opiniâtre et prolongée du roi dut céder enfin, après cinq mois de combats, à l’argument suprême de tout ministre constitutionnel, la démission. Le roi s’arrêta devant la retraite certaine de Casimir Périer, retraite qui eût été si funeste aux intérêts de la France, et sacrifia une fois de plus ses sentimens intimes à ces intérêts sacrés. Du moins le roi ne cessa de veiller avec un soin religieux à ce que cette loi de bannissement ne fût qu’une sorte de protestation écrite, et ne devînt jamais une arme offensive dans les mains de son gouvernement.

Louis-Philippe se considérait comme le premier gardien d’intérêts que les princes exilés ne pouvaient plus défendre. Il fit bientôt proposer et adopter, pour la liquidation des dettes de la liste civile de Charles X, une loi dont l’article 1er est ainsi conçu : « L’ancienne liste civile sera liquidée, aux frais et pour le compte de l’état. » Nous citons cet article, d’une précision si généreuse et si équitable, non pour la vaine satisfaction d’adresser à qui que ce soit une leçon inutile, mais pour signaler une fois de plus cette honorable et vive sollicitude qui ne s’est jamais lassée. Ainsi seize années se sont écoulées sans que M. le comte de Chambord ait été forcé de vendre aucune des propriétés apanagères ou autres qu’il possédait en France, et dont la loi l’obligeait à se défaire avant le délai d’une année révolue. Il les possède toutes encore aujourd’hui, grace

  1. L’article 5 de la loi du 9 décembre 1816 excluait à perpétuité du territoire français tous les membres ou alliés de la famille Buonaparte, sous la peine portée par l’article 91 du code pénal ainsi conçu : « L’attentat ou le complot dont le but sera d’exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens à s’armer les uns contre les autres seront punis de la peine de mort, et les biens des coupables seront confisqués. » Le roi Louis-Philippe fit disparaître de cet article et de la législation française la peine de mort et la confiscation des biens. — Loi du 27 avril 1832, art. 12.