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quand il aurait atteint l’âge de dix-huit ans, et statuait enfin que des dotations seraient allouées à tous les princes et à toutes les princesses de la famille royale. Aucun président du conseil n’eût été plus propre que M. Laffitte à assurer par ses relations avec la gauche l’adoption de ce projet si conforme aux désirs personnels du roi. S’il restait au pouvoir, la loi ne semblait devoir rencontrer aucune difficulté sérieuse ; s’il quittait les affaires, elle courait les plus grands dangers. Le roi le savait ; mais la politique de M. Laffitte, se rapprochant de plus en plus de celle de l’opposition, menaçait à la fois la paix et le crédit public. Le roi n’hésita pas, et, sans prendre souci du sort de la loi de dotation, il se sépara de M. Laffitte pour contracter avec le parti conservateur, dans la personne de son chef le plus illustre. Casimir Périer, cette indissoluble alliance à laquelle il est resté fidèle pendant dix-huit années de règne. Sous le ministère de M. Périer, et de son consentement, la liste civile fut réduite de 18 à 12 millions, le domaine de la couronne restreint, le principe de l’apanage écarté, et les dotations rendues éventuelles, et cependant jamais ministre put-il compter sur un appui plus énergique et plus constant de la part du souverain ?

En renonçant à discuter toutes ces questions, Casimir Périer blessait les intérêts de Louis-Philippe, comme il blessa plus tard ses sentimens en le forçant à sanctionner la loi qui bannissait les princes de la branche aînée. Louis-Philippe ressentait vivement de telles blessures, qui pénétraient jusqu’au fond de son ame et portaient atteinte à ses convictions les plus enracinées. Je l’ai souvent entendu s’en plaindre non sans amertume ; mais le roi n’en conserva pas moins à Casimir Périer une fidélité à toute épreuve : il savait bien en effet que le salut du pays dépendait alors du maintien au pouvoir de ce grand adversaire des utopies et des témérités de la gauche.

Quelques années plus tard, en 1837, une circonstance de famille fit naturellement renaître la question de dotation sous les auspices d’un nom sympathique et populaire. La princesse Marie venait de se marier : le roi, toujours prêt à céder aux exigences de la politique, mais toujours résolu à reproduire les questions qu’il considérait comme liées étroitement à son honneur ou à son droit, invita son ministère à s’occuper de la dot stipulée dans le traité de mariage et du projet de loi qui devait y pourvoir. M. le comte Molé était alors président du conseil. J’avais l’honneur de siéger encore comme ministre de l’intérieur dans ce cabinet qui avait débuté par l’amnistie, et qui devait finir deux ans plus tard par les luttes de la coalition. Le ministère était complètement d’accord avec le roi sur le droit des dotations princières ; en obtenant des chambres l’allocation de la dot de la reine des Belges, il en avait déjà fait triompher le principe. Cependant des circonstances parlementaires nouvelles et l’hostilité déjà déclarée de plusieurs membres éminens du