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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 septembre 1850.

L’exécution de la nouvelle loi sur la presse quotidienne donne au public un spectacle assez neuf pour que la première idée qui nous vienne aujourd’hui soit tout d’abord d’en constater l’effet. L’effet n’est pas précisément celui qu’en général on attendait le plus. Il semblait au commun des hommes que la presse quotidienne dût avoir mille arcanes qu’on allait enfin percer, et leur curiosité jalouse portait aux nues le courage des législateurs qui avaient osé déchirer le voile de ces détestables sanctuaires. On était sûr d’avance qu’on ne pouvait manquer d’apprendre beaucoup de choses et de lever beaucoup de masques. Nous verrons, songeaient les profanes, quels étaient ces donneurs d’avis qui nous conseillaient, et les plus candides de ces respectables personnes qui prennent tous les matins leur opinion dans leur journal se réjouissaient d’un air assez sournois d’être dorénavant à même de savoir quoi penser du journaliste. Nous parierions cependant que cette malignité n’aura pas toute la satisfaction qu’elle se promettait, et jusqu’à présent on n’aperçoit pas que le régime de la signature forcée doive lui procurer sur le compte des écrivains beaucoup plus de renseignemens que ne faisait le régime de la signature volontaire. Il y a pour cela d’ailleurs de très bonnes raisons.

On a trop souvent répété, soit avec une ironie dénigrante, soit avec une prétentieuse naïveté, que la presse était un sacerdoce : on nous accordera du moins que c’est un état où il peut y avoir d’honnêtes gens. Nous appelons ici d’honnêtes gens ceux qui se préoccupent un peu plus de servir, même obscurément, la cause qui leur plaît que de jouer, même bruyamment, un rôle qui les produise. Des honnêtes gens qui ne volent pas et ne tuent pas, la France en est pleine ; de ceux qui croient assez à quoi que ce soit pour se sentir plus heureux d’être et d’agir au profit de leur croyance que de se montrer et de paraître au profit de leur vanité, de ceux-là certainement il y en a beaucoup moins dans notre pays, le pays de l’apparence. Tout ce que nous réclamons pour l’honneur de la presse, c’est le droit d’affirmer qu’il n’était pas impossible qu’elle en comptât pourtant quelques-uns dans ses rangs.

À côté de ces honnêtes gens dont nous parlons, n’était-il point naturel qu’il y en eût d’autres qui ne le fussent pas autant ? Étaient-ce donc des gens malhonnêtes ? Dieu nous préserve de le dire ! Nous leur rendrons au contraire tous les témoignages qu’ils voudront ; nous tiendrons leur parole pour parole d’évangile ;