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3,000 francs et une pension de 600 francs, le ballon qui avait servi à ce voyage, et qui fut déposé dans la principale église de Calais. On décida enfin qu’une colonne de marbre serait élevée à l’endroit même où les aéronautes étaient descendus. Quelques jours après, Blanchard parut devant Louis XVI, qui lui accorda une gratification de 1,200 liv. et une pension de la même somme. La reine, qui était au jeu, mit pour Blanchard sur une carte et lui fit compter une forte somme qu’elle venait de gagner. En un mot, rien ne manqua à son triomphe, pas même la jalousie des envieux, qui lui donnèrent à cette occasion le surnom de don Quichotte de la Manche.

Le succès éclatant de cette audacieuse entreprise, le retentissement immense qu’elle eut en Angleterre et en France, doivent compter parmi les causes d’un des plus tristes événemens qui aient marqué l’histoire des aéronautes. Pil$are des Rosiers, emporté par un funeste élan d’émulation, fit annoncer aussitôt qu’à son tour il franchirait la mer, de Boulogne à Londres, traversée plus périlleuse encore que celle qu’avait exécutée Blanchard, en raison du peu de largeur des côtes d’Angleterre, qu’il était facile de dépasser. On essaya inutilement de faire comprendre à Pilâtre tous les dangers auxquels cette entreprise allait l’exposer. Il assurait avoir trouvé une nouvelle disposition des aérostats qui réunissait toutes les conditions de sécurité et permettait de se maintenir dans les airs pendant un temps considérable. Sur cette assurance, le gouvernement lui accorda une somme de 40,000 francs pour construire sa machine. On apprit alors quelle était la combinaison qu’il avait imaginée : il réunissait en un système unique les deux moyens dont on avait fait usage jusque-là ; au-dessous d’un aérostat à gaz hydrogène, il suspendait une montgolfière. Il est assez difficile de bien apprécier les motifs qui le portèrent à adopter cette disposition, car il faisait sur ce point un certain mystère de ses idées. Il est probable que, par l’addition d’une montgolfière, il voulait s’affranchir de la nécessité de jeter du lest pour s’élever et de perdre du gaz pour descendre : le feu, activé ou ralenti dans la montgolfière, aurait fourni une force ascensionnelle supplémentaire. Quel qu’il en soit, ces deux systèmes, qui isolés ont chacun ses avantages, formaient réunis la plus vicieuse et la plus détestable des combinaisons. Il n’était que trop aisé de comprendre à quels dangers terribles l’existence d’un foyer dans le voisinage d’un gaz inflammable comme l’hydrogène exposait l’aéronaute. — Vous mettez un réchaud sous un baril de poudre, — disait Charles à Pilâtre des Rosiers ; mais celui-ci n’écoutait rien : il n’écoutai que son intrépidité et l’incroyable exaltation scientifique dont il avait déjà donné tant d’exemples, et qui étaient comme le caractère de son génie.

L’existence de cet homme courageux peut être regardée comme un