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exemple de cette fièvre d’aventures et d’expériences que le progrès des sciences physiques avait développée dans certaines natures à la fin du dernier siècle. Pilâtre des Rosiers était né à Metz en 1756. On l’avait d’abord destiné à la chirurgie, mais cette profession lui inspira une grande répugnance ; il passa des salles de l’hôpital dans le laboratoire d’un pharmacien, où il reçut les premières notions des sciences physiques. Revenu dans sa famille, il ne put supporter la contrainte excessive dans laquelle son père le retenait, et il s’en alla un beau jour, en compagnie d’un de ses camarades, chercher fortune à Paris. Employé d’abord comme manipulateur dans une pharmacie, il fut remarqué dans cette position inférieure par un médecin qui l’en fit sortir. Grace à son protecteur, il put suivre les leçons des professeurs les plus célèbres de la capitale, et bientôt il se trouva lui-même en état de faire des cours. Il démontra publiquement les faits découverts par Franklin dans le champ si nouveau des phénomènes électriques. Il acquit par là un certain relief dans le monde scientifique, et put bientôt réunir assez de ressources pour monter un beau laboratoire de physique où les savans trouvaient tous les appareils nécessaires à leurs expériences et à leurs travaux. Il obtint enfin la place d’intendant du cabinet d’histoire naturelle du comte de Provence. Pilâtre des Rosiers put dès-lors donner carrière à son goût pour les expériences et à cette passion singulière qui le caractérisait de faire sur lui-même les essais les plus dangereux. On cite de lui les traits les plus surprenans en ce genre. Rien ne pouvait l’arrêter ou l’effrayer. Dans ses expériences sur l’électricité atmosphérique, il s’est exposé cent fois à être foudroyé par le fluide électrique, qu’il soutirait presque sans aucune précaution des nuages orageux. Il faillit souvent perdre la vie en respirant les gaz les plus délétères. Un jour, il remplit sa bouche de gaz hydrogène et il y mit le feu, ce qui lui fit sauter les deux joues. Il était dans toute l’exaltation de cette espèce de furie scientifique, lorsque survint la découverte des aérostats. On a vu avec quelle ardeur il se précipita dans cette carrière nouvelle, qui répondait si bien à tous les instincts de son esprit. Il eut, comme on le sait, la gloire de s’élever le premier dans les airs, et, dans toute la série des expériences qui suivirent, c’est toujours lui que l’on voit au premier rang, fidèle à l’appel du danger. C’est au milieu des transports d’un véritable délire qu’il se livrait, à Boulogne, aux préparatifs du voyage qu’il avait annoncé. Il fut aidé dans la construction et la disposition de son aéro-montgolfière par un physicien de Boulogne nommé Romain. Un gentilhomme du pays, M. de Maisonfort, devait accompagner Pilâtre ; mais Romain exigea, comme récompense de ses soins, de partager la gloire de l’entreprise : M. de Maisonfort fut forcé de lui céder la place.

Pilâtre et Romain partirent le 13 juin 1785, à sept heures du matin.