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qui ne cacha pas sa mauvaise humeur et son mécontentement. Il demanda qu’il ne fût plus question devant lui de Garnerin ni de son ballon, et, à dater de ce jour, Garnerin cessa d’être employé par le gouvernement. Quant au ballon qui avait causé tant de rumeurs, il fut suspendu à Rome à la voûte du Vatican, où il demeura jusqu’en 1814. On composa une longue inscription latine qui rappelait tous les détails de son miraculeux voyage ; seulement l’inscription ne disait rien de l’épisode du tombeau.

Dans cette période d’exhibitions industrielles, l’aérostation a eu ses désastres aussi bien que ses triomphes. On connaît la fin tragique de Mme Blanchard, veuve du célèbre aéronaute qui, après avoir recueilli des millions, était mort dans la misère. Blanchard avait dit en mourant à sa femme : « Après moi, ma chère amie, tu n’auras d’autre ressource que de te noyer ou de te pendre. » Mme Blanchard, mieux avisée, rétablit sa fortune en embrassant la périlleuse profession de son mari. Elle fit un très grand nombre de voyages aériens et finit par en acquérir une telle habitude, qu’il lui arrivait souvent de s’endormir pendant la nuit dans son étroite nacelle et d’attendre ainsi le lever du jour pour opérer sa descente. Dans l’ascension qu’elle exécuta à Turin en 1812, elle eut à subir un froid si excessif, que les glaçons s’attachaient à ses mains et à son visage. Ces accidens ne faisaient que redoubler son ardeur ; en 18.17, elle exécutait à Nantes sa cinquante-troisième ascension, lorsque, ayant voulu descendre dans la plaine à quatre lieues de Nantes, elle tomba au milieu d’un marais. Comme son ballon s’était accroché aux branches d’un arbre, elle y aurait péri si l’on ne fût venu la dégager. Cet accident était le présage de l’événement déplorable qui devait lui coûter la vie.

Le 6 juillet 1819, Mme Blanchard s’éleva au milieu d’une fête donnée au Tivoli de la rue Saint-Lazare ; elle emportait avec elle un parachute muni d’une couronne de flammes de Bengale, pour donner au public le spectacle d’un feu d’artifice descendant au milieu des airs ; elle tenait à la main une lance à feu pour allumer ses pièces. Un faux mouvement mit par malheur l’orifice du ballon en contact avec la lance à feu : le gaz hydrogène s’enflamma aussitôt ; une immense colonne de feu s’éleva au-dessus de la machine et glaça d’effroi les nombreux spectateurs réunis à Tivoli et dans le quartier Montmartre. On vit alors distinctement Mme Blanchard essayer d’éteindre l’incendie en comprimant l’orifice du ballon ; puis, reconnaissant l’inutilité de ses efforts, l’aéronaute s’assit dans la nacelle et attendit. Le gaz brûla pendant plusieurs minutes, le ballon se dégonflait peu à peu, il descendait, mais la rapidité de la descente était très modérée, et il n’est pas douteux que, si le vent l’eût dirigée vers la campagne, Mme Blanchard serait arrivée à terre sans accident. Malheureusement il n’en fut pas ainsi : le ballon vint s’abattre