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ne tarda pas à avertir Zambeccari et ses compagnons qu’ils tombaient dans la mer Adriatique. Bientôt en effet la nacelle toucha les vagues ; en cet instant suprême, ayant jeté leurs derniers sacs de lest et jusqu’à leurs vêtemens, les voyageurs furent de nouveau emportés à une hauteur telle que leur corps fut recouvert en quelques secondes d’une couche de glace. Pendant une demi-heure, la machine flotta dans ces espaces ténébreux et glacés, puis elle redescendit et retomba dans la mer. Heureusement le ballon à demi gonflé empêcha la nacelle de s’enfoncer complètement, et les voyageurs, traînés, ballottés par cette voile d’une nouvelle espèce, arrivèrent, après quelques heures d’une inexprimable angoisse, en vue de Pezzaro, vers le lever du jour. Ils n’étaient pas cependant au bout de leurs peines : les bâtimens auxquels ils demandaient du secours s’éloignaient tous de cette bizarre machine, qui épouvantait leurs matelots. Enfin il se trouva un navigateur pour venir en aide aux malheureux naufragés : on attacha une corde à la nacelle, on la hissa sur une chaloupe ; quant au ballon, on coupa le câble qui l’attachait à la nacelle, car les mouvemens de ce vaste globe menaçaient de faire échouer le bâtiment, et on le vit alors remonter vers les nuages avec une rapidité prodigieuse.

Après avoir couru de si terribles dangers, Zambeccari aurait dû être dégoûté à jamais de ces expéditions périlleuses. Il n’en fut rien, et, à peine remis, il recommença ses ascensions. Il ne fut pas plus heureux. En s’élevant de terre, son aérostat vint heurter contre un arbre ; la lampe à esprit de vin, qu’il emportait comme moyen de direction, se brisa par le choc, l’esprit de vin se répandit sur ses vêtemens et s’enflamma ; Zambeccari se trouva couvert de feu, sa machine elle-même commença à s’embraser, et c’est dans cette situation effrayante que les spectateurs le virent disparaître au-delà des nuages. Il réussit néanmoins à arrêter les progrès de cet incendie et redescendit, mais à demi brûlé.

En dépit de ce nouvel accident, l’infatigable aéronaute ne renonça pas au projet d’expérimenter son funeste appareil ; ses compatriotes lui refusant tout secours, il s’adressa au roi de Prusse, qui lui procura les moyens de poursuivre ses projets. Il fit une dernière expérience à Bologne le 21 septembre 1812. Cette fois le ballon du malheureux Zambeccari s’accrocha à un arbre, la lampe à esprit de vin mit le feu, et l’aéronaute retomba mort sur la plage avec les débris de sa machine.

Parmi les victimes de l’aérostation, nous citerons encore Sadler, qui, après une vie marquée par plus de soixante excursions aériennes, périt près de Bolton, en 1824, précipité hors de sa nacelle à la suite d’une descente trop rapide, et que le manque de lest empêchait de diriger ; — Harris, dont la chute près de Londres précéda de quelques