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de M. Pelletier que nous raisonnons sur de pareilles données, car elles n’ont certainement pas été suggérées par l’observation des faits. En 1848, les assurances contre l’incendie, les plus importantes de toutes, embrassaient un capital de 30 milliards, et les primes ou cotisations présentaient un résultat de 16 millions par année[1]. Suivant le compte de M. Pelletier, 30 milliards de valeurs assurées devraient donner à l’état 150 millions de recette brute. Il faudrait donc décupler la prime, c’est-à-dire l’impôt ; il faudrait exiger des assurés dix fois plus qu’ils ne paient aujourd’hui. Y a-t-il un seul exemple d’une pareille transformation dans l’histoire des finances ? La république de février porte encore, aux yeux de la population, la tache originelle des 45 centimes, et l’on croirait pouvoir établir, avec quelque chance de succès, un impôt qui, en cessant d’être volontaire, s’accroîtrait de 900 centimes pour 100 !

Que gagnerait cependant la propriété à la transformation de l’impôt en assurance ? Il n’en résulterait pour elle aucune sorte d’économie. Elle paie aujourd’hui à l’impôt direct 407 millions, et l’assurance contre l’incendie 16 millions, au total 423 millions, dont il lui rentre 155 millions sous la forme de remboursemens, de restitutions, de secours contre la grêle et de centimes affectés aux dépenses purement départementales ou communales, en sorte que l’état qui ne prélève en réalité, pour son propre compte, que 252 millions sur la propriété par les quatre contributions directes, lui demandera par la méthode de l’assurance 198 millions de plus, en admettant un capital de 6 milliards, et 348 millions de surcroît, dans l’hypothèse d’un capital de 8 milliards. L’impôt changera de nom, c’est quelque chose, mais en revanche il sera plus que doublé, et comme la main-d’œuvre, en définitive, reçoit le contre-coup de l’impôt, je doute que le système de M. Pelletier et de ses amis, qui ne lui vaudra certainement pas les remercîmens des personnages opulens, attire sur lui les bénédictions du pauvre.

Avant d’arriver aux monopoles, il est à propos de faire remarquer, dans le budget socialiste, divers impôts dont un ou deux contrastent singulièrement avec l’ensemble de cette combinaison financière. Ce sont d’abord « les droits protecteurs aux frontières, » ce qui signifie apparemment les droits de douane, dont le produit se trouve porté pour 100 millions. Si l’on veut que les droits de douane rapportent 180 millions, il faudra donner à cet impôt un caractère purement fiscal, c’est-à-dire effacer les prohibitions et modérer les taxes. Une douane protectrice, fermant la frontière aux produits étrangers, ne

  1. Voir l’exposé du projet de décret sur les assurances, présenté par le ministre des finances le 15 juin 1848.