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ne doivent pas aller plus loin que la Providence ; qu’ils laissent quelque chose à faire à la liberté et à l’activité de chacun.

Non-seulement l’intervention de l’état n’aurait pas ici un caractère moral, mais elle pourrait être dangereuse. Prenons pour exemple les assurances contre l’incendie. Avec le système actuel, des compagnies à prime ou des associations régies par le principe de la mutualité assurant les propriétés, les incendies ne peuvent être l’ouvrage que de l’imprudence ou de la malveillance. Que le gouvernement se substitue aux compagnies, et l’on verra ce que peuvent faite les partis désespérés dans un mouvement politique ou dans une commotion sociale ! La guerre civile est, comme la guerre étrangère, impitoyable dans tout ce qui nuit au gouvernement qu’elle combat ; elle ne choisit pas toujours ses armes, et elle se sert de la torche comme de l’épée. On ne risque donc rien d’affirmer que les incendies se multiplieraient, si l’état devait réparer le dommage. En présentant son projet de loi sur les assurances à l’assemblée constituante, M. Duclerc évaluait à 50 pour 100 du produit annuel les sinistres à rembourser par les compagnies ; il estimait les frais d’administration à 10 pour 100, et les bénéfices à 10 pour 100. Nous n’exagérons pas en admettant que, dans les mains de l’état, le produit des assurances couvrirait à peine les sinistres.

Dans le budget socialiste, le revenu des assurances est porté pour 800 millions. Déduisons les 200 millions qui représentent la contribution de a centimes par traite, qui doit être fournie par les ouvriers sur leur salaire quotidien, et qui est pour eux la condition d’une indemnité en cas de maladie ou de chômage, ainsi que d’une retraite pour leurs vieux jours ; car cette recette parait destinée à couvrir une dépense au moins égale, et ne peut figurer que pour ordre dans les comptes de l’état. Il restera 600 millions pour le résultat brut des assurances contre l’incendie, contre la grêle, contre la gelée, contre les épizooties, contre les inondations et contre les risques de mer. Comment M. Pelletier et ses amis établissent-ils ce chiffre de 600 millions En élevant à 8 milliards le revenu annuel de la France ; mais c’est là une évaluation très contestable. M. Passy, dans l’exposé qui précède le projet de loi sur le revenu, ne l’estime qu’à 6 milliards, lesquels, à une moyenne de 5 pour 100, donneraient un capital de 120 milliards. Je penche pour cette estimation que je crois plus conforme à la réalité, et je ferai remarquer que 120 milliards, assurés aux trois quarts de leur valeur, et au taux de demi pour 100, ne produiraient pas au fisc plus de 450 millions. On voit que, sans perler des frais d’administration ni des sinistres, il y a de prime abord 150 millions à retrancher des calculs du socialisme. Encore n’est-ce que pour abonder dans les hypothèses