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est souvent aveugle et mal inspirée, et ce même peuple qui vient d’imposer la modération à ses représentans pourrait aussi facilement leur commander une grande injustice ou des mesures calamiteuses.

La chambre des représentans a du reste dépassé l’exemple que lui avait donné le sénat. Quand les quatre bills votés par les sénateurs, et qui équivalaient au compromis de M. Clay, furent apportés du sénat à la chambre des représentans, celle-ci s’empressa de les mettre à l’ordre du jour. On crut qu’éclairés par les récentes manifestations de l’opinion publique, les représentans s’abstiendraient de recommencer d’inutiles débats sur une mesure depuis long-temps jugée, et dont la portée et la nécessité avaient été depuis huit mois discutées jusqu’à satiété par la presse de tous les partis. Il n’en était rien : dès le second jour, le bureau du président était encombré d’une nuée d’amendemens et de contreprojets ; deux semaines entières s’écoulaient en discussions et en votes stériles ; puis la chambre fatiguée finissait par refuser de prendre en considération la seule des quatre mesures qui l’eût encore occupée, c’est-à-dire le bill qui admettait la Californie au sein de l’Union américaine. Deux jours de suite, la chambre refusa de revenir sur la décision qu’elle avait prise, et tout le monde était déjà convaincu de l’échec de la transaction quand le troisième jour la chambre annula ses trois votes précédens et vota coup sur coup non-seulement l’admission de la Californie mais les trois autres parties du compromis. Ce revirement, en apparence inexplicable, était le résultat de nouvelles reçues du Texas. Le compromis de M. Clay, ainsi qu’on s’en souvient, avait pour objet de terminer à la fois toutes les questions en litige. Aux états du nord, ennemis de l’esclavage, il accordait l’admission pure et simple de la Californie avec sa constitution actuelle qui interdit l’esclavage, et l’érection en territoire du Nouveau-Mexique, qui ne cherche à se séparer du Texas que pour échapper en même temps au rétablissement de l’esclavage. Aux états du sud il accordait la reconnaissance des droits du Texas sur une partie considérable du territoire contesté avec la faculté d’ériger ce territoire en un ou deux états à esclaves, une indemnité de dix millions de dollars en échange des prétentions du Texas sur le Nouveau-Mexique, et enfin une loi plus sévère sur l’extradition des esclaves fugitifs. Au moment où la chambre des représentans était saisie de l’examen de ces mesures, la législature du Texas ouvrait sa session annuelle. Le gouverneur dans son message ne faisait allusion aux bills votés par le sénat que pour déclarer la transaction proposée au Texas tout-à-fait inacceptable. Il recommandait aux deux chambres de prendre des mesures énergiques pour maintenir les droits du Texas sur le Nouveau-Mexique, et proposait le vote d’une somme considérable et la levée de cinq régimens pour réduire par la force la rébellion du Nouveau-Mexique.

Cependant le colonel Monroe, qui avait laissé les habitans du Nouveau-Mexique nommer une convention, — cette convention enfanter une constitution, partager le pays en circonscriptions électorales et provoquer l’élection d’un gouverneur, — se voyait disputer toute autorité par le gouverneur nouvellement élu. Celui-ci s’était empressé de nommer tous les fonctionnaires dont l’installation avait été réglée par la constitution, et de signifier au colonel Monroe que désormais il ne le reconnaissait plus que comme commandant des