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d’y avoir consacré une attention si loyale et de si courageux efforts.

Pour une tâche aussi considérable, ce n’est pas encore assez de toute l’intelligente activité du pouvoir, il faut chez les gouvernés beaucoup de bonne volonté et de patience. C’est seulement lorsque tous les états provinciaux auront été successivement organisés que l’assemblée centrale de cette monarchie fédérative pourra se réunir, et que commencera l’application pleine et entière du système constitutionnel. En attendant, il n’y a pas lieu d’être étonné si de vagues inquiétudes s’éveillent çà et là dans la conscience du pays. À peine délivrée des liens de l’absolutisme, l’Autriche n’ose croire complètement à la transformation de ses destinées. Le fantôme du passé se dresse par instans devant elle, et il suffit parfois de la plus insignifiante aventure pour exciter de vives alarmes chez les meilleurs esprits. Qu’un officier, qu’un gentilhomme de la cour publie un pamphlet contre le régime constitutionnel, aussitôt cette boutade d’une rancune impuissante est signalée comme l’indice d’une trahison prochaine, comme la menace d’une révolution par en haut. C’est ce qui est arrivé tout récemment à propos des Confessions d’un soldat, par M. le major Babarczy. Une brochure qui ne méritait que le dédain a acquis l’importance d’un événement, tant est vive et jalouse la susceptibilité de l’esprit public. Les journaux se sont émus, une polémique ardente s’est ouverte, et il a fallu une solennelle disgrace du major Babarczy pour que l’opinion se rassurât. Il est difficile de prévenir ces craintes dans un pays occupé à se réformer, dans un pays que remplit une vie nouvelle, et qui cependant ne possède pas encore d’une façon définitive les institutions.qui lui sont dues. Jusqu’à ce que les états provinciaux soient tous réunis et que la constitution centrale puisse fonctionner, jusqu’au jour où les dernières traces de l’arbitraire disparaîtront devant l’autorité de la loi, il faut s’attendre à ces naïfs mouvemens de l’opinion. Ajoutez à cela l’antagonisme de la Prusse et de l’Autriche, qui a poussé le ministère Schwarzenberg à des actes regrettables dans l’affaire de la Hesse. Si la politique intérieure de l’Autriche est excellente, le désir de faire reculer la Prusse et de châtier ses prétentions à l’empire a entraîné le ministère dans des voies où il est permis de ne pas le suivre. On comprend sans peine que le ministère Schwarzenberg ait rétabli l’ancienne diète comme un défi à l’union restreinte et au parlement d’Erfurth ; mais, quand il soutient la funeste administration de la Hesse pour avoir une occasion éclatante d’humilier le cabinet de Berlin, il protège dans M. Hassenpflug une politique toute différente de celle qu’il suit à l’intérieur. On ne doit pas confondre ces choses, si l’on veut se rendre un compte exact de la situation présente de l’Autriche. Par malheur, l’opinion, déjà si facilement alarmée, trouve