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dans ces circonstances un sujet d’inquiétudes que la mauvaise foi exploite ; il n’y a rien à craindre cependant. Je ne rappellerai pas aux esprits qui s’effraient l’intrépide loyauté du prince Schwarzenberg ; je ne leur dirai pas que la présence de M. Bach, de M. Bruck et de M. de Schmerling dans les conseils de l’empereur est une garantie assez haute de la régénération libérale du pays ; je leur dirai seulement : Si vous vous défiez de tels hommes, ayez foi du moins dans la nécessité. Entre l’Autriche d’aujourd’hui et l’Autriche qui a précédé le 13 mars, il y a un abîme qu’on ne franchira pas. Le gouvernement constitutionnel est la seule voie de salut. Lui seul peut terminer les embarras de l’empire, imposer silence aux prétentions des races rivales, restaurer les finances obérées. Ce que l’Autriche a accompli depuis deux ans au milieu de tant de périls, c’est le régime nouveau qui l’a fait. Retourner à l’absolutisme, ce serait ramener la crise des nationalités soulevées, ce serait compliquer des problèmes qu’on serait impuissant à résoudre, ce serait surtout se priver des fécondes ressources que fournit maintenant au budget l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt. Si la situation financière de l’Autriche est fâcheuse, si le papier presque partout y a remplacé l’argent, ce n’est pas la période révolutionnaire qui a produit toute seule ces résultats ; le mal date de plus loin, et le gouvernement disparu n’était guère en mesure d’y porter remède. Désormais l’affranchissement de la terre, la suppression des privilèges féodaux, l’obligation pour tous de contribuer aux charges communes, offrent aux finances de l’Autriche des avantages jusque-là inconnus. L’organisation du budget était impossible dans l’ancienne Autriche ; l’Autriche nouvelle, grace aux réformes obtenues, aura un budget régulier. Les hommes éminens chargés de ces grands intérêts savent tout ce qu’ils doivent aux légitimes changemens de ces deux dernières années ; ils savent que, si les passions de quelques esprits entêtés pouvaient prévaloir contre la raison générale, la démagogie seule en profiterait. L’activité persévérante avec laquelle le ministère poursuit sa tâche, sa foi profonde dans l’efficacité des institutions nouvelles, démontrent assez hautement, malgré les alarmes des esprits chagrins, que le régime constitutionnel sera solidement établi. Quelque jugement que l’on porte sur telle ou telle question de détail, il faut reconnaître que le ministère Schwarzenberg a rendu et rendra encore de précieux services. Après cet exemple d’un ministère laborieux et hardi, il ne sera plus permis de retourner aux erremens du passé ; plus d’imprévoyance complaisante ni de violence aveugle ; il faudra étudier et comprendre.

Comprendre, reconnaître à propos les nécessités, c’est la suprême loi des affaires humaines : en ce temps-ci surtout, après tant de révolutions qui ont bouleversé l’Europe, au milieu des complications et