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méfaits ; — l’autre, lsmaël-ould-Caddi, était l’un des plus braves d’entre les Douairs. Neveu de ce Mustapha-ben-lsmaël que sa valeur nous fit nommer général, et dont le renom est venu jusqu’en France, on retrouvait en lui le cavalier maure, tel que les conteurs espagnols se sont plu à nous représenter ces Abencérages de Grenade, qui couraient si vaillamment au danger. L’un par amour de la poudre, l’autre par l’instinct de l’homme de proie, désiraient donc, ainsi, que nous, le bruit et les combats. Enfin, dans le courant de décembre 1846, ordre fut donné de se tenir prêt à partir ; mais ce n’était point pour une expédition bien périlleuse. Le général nous traitait un peu comme ces enfans à qui l’on donne un osselet pour distraire leur caprice : il allait nous faire parcourir, en nous promenant, ces terrains où nous, ne devions rencontrer, air lieu de tribus rebelles à combattre, que des Arabes amis, accourus pour saluer le chef de la province.

Notre petite troupe eut bientôt terminé ses préparatifs de départ. Sur l’invitation du général, un compagnon se joignit à nous : c’était M. de Laussat, venu pour rendre visite à son gendre, concessionnaire de la belle terre d’Akbeil, à dix lieues d’Oran. Nous aimions tous son esprit enjoué et sérieux, sa bienveillance pleine de délicatesse ; aussi nos mains serrèrent la sienne avec joie, lorsque, fidèle au rendez-vous, il vint, à huit heures précises du matin, dans la cour du Château-Neuf. Un cheval bai, le seul qu’il eût pu se procurer en toute hâte, lui servait de monture ; mais sa peau transparente, sa maigreur qui criait famine, firent, séance tenante et au milieu des rires, décerner à la pauvre bête le surnom d’Apocalypse. Malgré, le mauvais temps dont nous étions menacés, la mélancolie, on le voit, n’était guère notre fait, lorsque nous prîmes la route de Mascara.

Le général Alava, ancien ambassadeur d’Espagne à Paris, visitant Centa dans sa jeunesse, voulut monter sur le rempart de cette ville pour examiner la campagne ; un vieil officier le retint, lui fit élever son chapeau au bout de son fusil, et aussitôt un coup de fusil ; partit des broussailles extérieures. « Souvenez-vous qu’ici, dit l’officier, toutes les fois qu’un Castillan se montre, il se trouve un Arabe pour l’ajuster. » Ce fut, pendant dix années, l’histoire des Français à Oran. À peine si le canon des remparts faisait respecter les Douairs et les Zmélas, qui, dès les premières années de notre occupation, étaient venus à nous. L’escorte du général était choisie dans ces tribus fameuses, et les plus illustres d’entre nos alliés avaient tenu à honneur d’accompagner le bou-haraoua (littéralement le père du bâton) tant qu’il marcherait sur leur territoire. C’était Mohammed-ould-Caddour, l’homme de fer au regard de feu ; toujours le premier quand parlait la poudre, son, bras frappait, sans jamais se lasser, à la voix qui le commandait ; car il ne fallait pas lui demander de comprendre ; comment, sans cela, aurait-il mérité le surnom de Caddour-le-Bête, qui servait à le faire reconnaître,