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dans ces modestes demeures, et on espère en lui. Tous les jours, sauf le dimanche, des amis viennent faire visite, et le feu, toujours allumé dans la principale pièce, permet de leur offrir le thé ; mais le dimanche chacun reste chez soi, et Dieu est le seul hôte. On le rend présent par la prière et par de pieuses lectures.

Il manque, comme je l’ai dit, une certaine liberté à ce paysage. Tout y est parqué, fermé de clôtures. Les animaux ne s’éloignent pas de la maison. Ce n’est pas en Angleterre que le cerf aurait pu dire aux bœufs auxquels il demande l’hospitalité

Je vous enseignerai les pâtis les plus gras.


Ils ne connaissent qu’un pâtis, c’est le pré qui est autour de la maison. Pourtant je ne les plains pas : ils doivent avoir un peu du caractère des gens, et, comme ceux-ci, aimer leur home.

Il semble aussi, au premier aspect, que le voyageur ne puisse pénétrer dans ces prairies : il ne voit que haies et barrières ; mais ces barrières se lèvent, et ces tourniquets ne sont faits que pour les bestiaux. On peut faire d’agréables et longues promenades d’une prairie à l’autre. On est averti qu’on passe sur le terrain d’autrui, mais on passe. Le paysage est comme la société ; c’est la liberté au milieu des formes et des lois. Y en a-t-il de meilleure ? y en a-t-il une autre qui puisse durer ?

De Sherwood-Hall, nous faisions des excursions dans le voisinage. Nous allions visiter tantôt une ruine, tantôt un château historique, tantôt quelque chêne contemporain de la conquête, ou plus ancien qu’elle. C’est par les chênes que commencent les excursions. Les Anglais en sont très curieux. Ces nobles arbres sont leur passé debout et vivant, et puis le chêne anglais est le bois par excellence ; il est incorruptible à l’eau, et lutte d’éternité avec la mer. On vous en montre à l’Amirauté des échantillons parmi toutes les autres sortes de chêne employées dans la marine. Il occupe la place d’honneur sur le rayon ; l’étiquette vous l’indique : english oak, et ce n’est pas sans un sourire de fierté que le gardien vous le fait regarder et peser. — Ils devaient être les maîtres de la mer, pensent-ils, puisque leurs forêts produisent le bois qui lui résiste le plus.

C’est dans la forêt de Sherwood qu’on voit, me disait-on, les plus vieux chênes d’Angleterre. Ils sont à quelques milles autour de Mansfield. L’authenticité de ces chênes n’est pas suspecte ; l’Angleterre est le pays de la tradition et des formalités légales qui la constituent. Toutes les familles y savent leurs sources. Deux choses protègent et perpétuent les souvenirs, le respect du passé et le respect de la loi. Cependant je n’ai pas vu la preuve qu’un des chênes de Sherwood, le premier qu’on me montra, ait abrité le roi Jean donnant audience à ses sujets. Ce