Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/520

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

difficultés d’exécution que devaient offrir le froid aspect de la foule officielle se pressant sur l’estrade et la monotonie de ces lignes immenses se déployant parallèlement dans toute l’étendue du Champ-de-Mars. L’ancien duc de Chartres, fidèle au témoignage historique de ses souvenirs personnels, fut inébranlable et persista Cependant le directeur des musées intervint pour faire observer que le prix du tableau avait été fixé à 25,000 fr. et qu’il était presque terminé. « Eh bien ! dit le roi, Montalivet donnera 25,000 fr. de plus ; c’est une rature un peu chère, mais je la dois à l’histoire. »

Cette anecdote fera mieux comprendre que tout ce que je pourrais dire la persévérance scrupuleuse et désintéressée de Louis-Philippe à imprimer le cachet de la vérité historique aux œuvres de l’art sous son règne. Pour atteindre ce but, le roi ne reculait devant aucun sacrifice. Des doutes s’élevaient-ils sur l’époque ou les détails d’un fait, sur le lieu qui en avait été le théâtre, sur le costume ou les traits d’un personnage ; des recherches et des acquisitions de livres, de cartes, de plans ou de portraits venaient bientôt en aide aux études des peintres ou des sculpteurs ; des mouleurs habiles étaient envoyés au loin pour consulter et reproduire les monumens ; enfin les artistes eux-mêmes allaient visiter, aux frais de la liste civile, les lieux témoins des scèness qu’ils devaient reproduire[1].

Les visites que le roi faisait au Musée pendant l’hiver prenaient une activité nouvelle quand l’exposition avait ouvert le Louvre aux ouvrages des artistes vivans. Avant 1830, les expositions avaient lieu tous les deux ans. Dès la seconde année de son règne, Louis-Philippe les rendit annuelles. C’est assurément un principe fort contestable que celui des expositions annuelles substituées aux expositions biennales. Le premier système peut être plus favorable à l’activité industrielle de l’art ; mais le second ne profite-t-il pas davantage à l’art sérieux, qui préfère l’honneur au profit, la gloire à la fortune ? C’est une question toujours pendante que j’indique et que je n’entends ni discuter, ni trancher ici. Quelle que soit l’opinion qu’on professe à cet égard, on peut du moins affirmer que le roi témoignait ainsi d’une sollicitude toujours impatiente de se manifester. Le résultat inévitable des expositions

  1. Plusieurs artistes ont fait ainsi des excursions lointaines aussi profitables à l’histoire qu’aux arts ; nous citerons en première ligne M. Horace Vernet, qui figure pour 843,000 francs dans les acquisitions ou les commandes ordonnées par Louis-Philippe. M. Horace Vernet avait reçu du roi l’honorable mission de perpétuer sur la toile la mémoire des récentes et glorieuses campagnes de nos armées de terre et de mer en Afrique et au Mexique. Il n’est pas une seule de ces grandes scènes que M. Vernet n’ait reproduite à l’aide de dessins faits pendant l’action par des témoins oculaires ou recueillis par lui-même sur le terrain.