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et le comte de Rantzau de Bertrand et Raton. Les historiens français, italiens, espagnols, n’ont pas fourni un trait pour la composition de ce personnage. Feuilletez Ulloa, Sandoval, Du Bellay ; vous ne trouverez pas dans leurs livres, si justement estimés, une seule page qui puisse servir à expliquer le Charles-Quint de la comédie nouvelle. L’empereur d’Allemagne, le monarque privilégié qui réunissait sous sa domination l’Espagne, les Pays-Bas, les Indes, est voltairien comme don Quexada, élève de Candide et de Zadig comme le comte de Rantzau. Ne lui demandez pas une parole, une pensée, un sentiment qui appartienne au pays qu’il habite, au temps où il vit : les auteurs, doués d’un esprit cosmopolite, ne tiennent compte ni des lieux, ni des temps. Leur Charles-Quint ne relève que de leur seule fantaisie. Il est railleur comme un roman écrit par un encyclopédiste et crédule comme un oncle du boulevard Bonne-Nouvelle. C’est un mélange d’ironie et de niaiserie dont l’histoire n’a jamais offert le modèle, mais que chérissent à bon droit tous les musiciens qui se prennent pour les héritiers de Grétry et de Dalayrac : un tel personnage, en effet, convient merveilleusement à l’Opéra-Comique. Chacune de ses railleries ou de ses bévues offre le thème d’une ariette ou d’un morceau d’ensemble ; les ténors et les prime donne doivent voter des actions de graces aux auteurs de la comédie nouvelle pour le rajeunissement inattendu de ce type, déjà soumis à de si nombreuses épreuves. Si la comédie n’a pas à se féliciter de l’invention de ce personnage, en revanche l’Opéra-Comique doit s’en réjouir, et c’est une gloire assez belle pour contenter l’orgueil le plus exigeant.

François Ier, dans les Contes de la reine de Navarre, m’a rappelé les plus candides émotions de ma jeunesse. Je me suis cru, pendant quelques instans, ramené sous les voûtes du théâtre Feydeau, qui a disparu depuis long-temps. Il me semblait entendre le morceau si fameux de Françoise de Foix :

Chevaliers, soutiens de la France,
Soyons célèbres tour à tour
Au champ d’honneur par la vaillance,
Par la constance au champ d’amour.

L’orchestre, je ne sais pourquoi, était absent, et nous avons été privés de la musique de Berton ; mais toutes les mémoires fidèles au culte de la musique nationale, qui n’ont pas sacrifié l’école française aux écoles allemande et italienne, se rappelaient avec délices le morceau que je viens de citer. À quoi bon chercher dans le François Ier de MM. Scribe et Legouvé le François Ier de l’histoire ? Depuis quand, s’il vous plaît, la fantaisie est-elle devenue la très humble servante de la réalité transmise aux esprits curieux par le témoignage des contemporains ? Il faut laisser aux érudits, aux rats de bibliothèque, comme se plaisent gracieusement