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usurpateurs de charges qui jusque-là lui appartenaient. Il faudrait toutefois regarder encore avant de revenir en Hanovre aux temps de MM. de Scheele et de Lütken, et, sans le secours de ces influences rétrogrades, l’Autriche n’entraînera point aisément le roi Ernest-Auguste dans une alliance offensive contre la Prusse. Un ministère moins accentué n’avait plus de consistance. À peine formé, il s’est retiré, et M. Stuve a repris les affaires, sous la double condition que le roi accepterait les réformes déjà votées par les chambres pour l’administration intérieure, et que M. Detmold, son très équivoque ambassadeur auprès de la diète, y demanderait l’adjonction d’une grande assemblée nationale. Il est permis de douter que M. Stuve ait le temps d’accomplir toutes ces belles choses : M. de Scheele finira bien par avoir son jour.

Nous passons du Hanovre à la Hollande, et c’est comme un vrai changement à vue. Les deux pays se rejoignent pourtant de bien près ; la race frisonne s’étend sur tous ces rivages de la mer du Nord avec le même caractère, et l’Ems, qui est la première ligne de démarcation naturelle entre les Hollandais et les hanovriens, n’empêche point les ressemblances de langage et de mœurs qui les rapprochent ; mais le Hanovre a toujours été entraîné dans les complications de la politique allemande, auxquelles la Hollande a échappé. Le voisinage de la mer n’a pas offert à la population du littoral les ressources qu’y ont trouvées les Hollandais, et le caractère féodal des régions du centre a pris le dessus dans l’ensemble de son histoire. Aussi le Hanovre a-t-il grand peine à sortir des intrigues de cour et des manœuvres diplomatiques, tandis que la Hollande s’avance avec une liberté de plus en plus régulière dans la voie des institutions représentatives qui sont depuis si long-temps son patrimoine, patrimoine glorieux qu’elle a su, dans ces dernières années, améliorer et ne pas compromettre.

Les états-généraux sont maintenant rentrés en session ; les deux chambres ont voté leurs adresses à une assez forte majorité ; elles ont très heureusement évité de leur donner, en un sens ou dans l’autre, une couleur trop vive. Il y a là aussi, comme dans toute l’Europe, des nécessités de circonstance qui commandent des transactions ; il est à regretter qu’on n’y obéisse point partout avec la même prudence. Ainsi la nomination du président de la seconde chambre, M. Duymaer van Twist, a même été le résultat d’un accord général entre les libéraux modérés et les conservateurs anciens ou nouveaux, et les libéraux plus ou moins avancés qui soutiennent ordinairement le cabinet ont dû céder devant un choix dont ils ne pouvaient d’ailleurs être blessés, puisqu’il n’avait rien de choquant pour leurs opinions. Le discours prononcé par M. Duymaer van Twist, au moment où il a pris possession du fauteuil, rendait bien le sentiment de cette situation. « L’année 1848, a-t-il dit, cette année dont nous connaissons déjà les douleurs et les angoisses, tandis qu’il ne nous a pas encore été donné de deviner le bien que la Providence fera sortir de ce mal, l’année 1848 n’a pas produit à la Hollande une satisfaction complète en tout et pour tous ; mais elle a cependant amené sous bien des rapports des redressemens et des améliorations, et elle n’a du moins chez nous rien renversé ni bouleversé de ce qui existait. Grace à la sagesse du roi, à l’esprit conciliateur de ses ministres et de la représentation nationale, grace surtout au bon sens du peuple néerlandais, il a été possible, avec la bénédiction de Dieu, de consolider les bases de l’édifice national sans nous laisser détourner par les exigences