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nom chaque bourgeois de sa bonne ville de Vienne et se promenant au Graben en habit blanc, sa canne à pomme d’or sous le bras. Je n’ai point à m’expliquer sur les implacables desseins de cette politique et la persévérance acharnée qui se cache sous ces dehors : toujours faut-il avouer qu’on n’est pas plus affable envers les gens, et qu’on ne saurait pousser plus loin la bonhomie traditionnelle.

Dans les conseils et sur le champ de bataille, deux hommes complètent le maréchal Radetzky : le feld-maréchal-lieutenant Hess et le feld-maréchal-lieutenant Schönhals : Hess, petit homme très mince et très maigre, d’une soixantaine d’années environ, à l’œil intelligent et vif, aux cheveux blonds, au teint clair, fort réservé dans sa parole, et, comme c’est l’usage chez les hommes très occupés, n’aimant à causer qu’en dehors du terrain des banalités. Alors, si vous êtes assez heureux pour qu’il vous entretienne, vous assisterez à la conversation d’un esprit solide et convaincu, d’une haute raison, qui naturellement vous en dira plus en quelques instans que bien des livres ne vous en apprendraient. Grand, élancé, d’un extérieur tout chevaleresque, calme et réfléchi dans ses mouvemens, d’une attitude plus diplomatique encore que militaire, le général Schönhals brille surtout par sa parole d’une verve, d’une originalité qui feront époque dans les fastes de l’armée autrichienne. C’est à lui que l’on doit ces mille proclamations, ordres du jour et manifestes, où le lyrisme du langage se marie à l’entraînement de la situation, admirables documens qui, mutilés, tronqués, défigurés par de maladroites traductions, ont défrayé pendant dix-huit mois toutes les gazettes de l’Europe, et qui, lus dans leur texte et du point de vue qui les a inspirés, sont dignes d’être comparés à ce que les annales de la guerre ont de plus éloquent dans ce genre. Tous les deux, Hess et Schönhals, associés au gouvernement de Milan, habitaient avec le maréchal Radetzky Villa-Reale, et la trinité militaire s’était déjà depuis long-temps formée, lorsque les événemens de 1848 éclatèrent. Loin d’avoir jamais cherché à s’approprier la part qu’ont eue dans ses victoires les deux éminens officiers, Radetzky s’est lui-même réservé le soin de consigner leurs services. Voici en effet ce qu’on lit dans le rapport officiel du maréchal sur la seconde campagne d’Italie : « Parmi les compagnons fidèles qui ont soutenu chacun de mes pas, je nomme au premier rang et avant tous mon quartier-maître-général, le feld-maréchal-lieutenant Hess. À lui, et j’en rends témoignage ici du fond du cœur, appartient et de beaucoup la plus grande part des succès obtenus dans la dernière campagne par les armes de l’empereur. Prompt à embrasser la situation d’un coup d’œil infaillible, habile à saisir l’occasion, à profiter des moindres avantages, le regard toujours fixé sur le but, je l’avais investi de toute ma confiance, certain que, lui à mon côté, je mènerais l’armée à la victoire. L’armée